Un article de Andrée HERBIN publié le 16 février 2016

Préambule

Etre à sa place généalogique, c'est intégrer que nous sommes engendrés et assignés à cette place par d'autres qui nous ont précédé, et que d’autres nous succéderons. La parole qui se transmet de génération en génération réfère chacun dans sa place de filiation et le soutient à quitter l'indifférencié pour s'individuer. Elle l'inscrit dans la différence entre générations, entre sexes, entre naissance et mort. Notre rapport à l'autre et à nous même s'élabore en confrontation avec cette loi symbolique. Cette ouverture à l'altérité et aux alliances qui en découlent est constitutive de notre humanité parlante. C'est elle qui nous tient à l'abri de la confusion et de la barbarie. Comment chacun porte-t’il inconsciemment son arbre familial en rapport avec cette structure de l'arbre de vie? Comment cette parole du vivant circule-t'elle dans la famille? Quelle éthique relationnelle y préside aux échanges du donner-recevoir? La transmission est un processus de transformation réalisé par les descendants. C'est une élaboration de l'histoire familiale, telle que le sujet la porte inconsciemment. Ce processus pacificateur invite à discerner entre actes et personnes, entre morbide et vivant. Reconnaître l'humanité de ses ascendants ouvre le chemin de l'accomplissement de sa propre humanité. Il devient alors possible de laisser le mouvement du désir oeuvrer.

La transmission est un don

Donner pour la joie du don ou comment sortir de la violence du sacrifice

J’évoquerai d’abord :

  • le choix fait ici, d’interroger l’arbre familial du point de vue du vivant et non du pathologique ou du traumatique
  • la quête du sens de la vie qui ne peut se réduire à une explication événementielle de cause à effet.

Ensuite j’aborderai les thèmes de :

  • l’éthique de l’altérité constitutive de notre humanité, toujours à élaborer.
  • l’éthique de l’entre-deux et de la dimension ternaire de la relation.
  • l’éthique relationnelle du donner-recevoir entre parents et enfants .

Et pour finir :

  • j’exposerai la méthodologie particulière du processus d’analyse transgénérationnelle que je propose.

On naît, on grandit, on vieillit, on meurt. Manifestement, nous sommes là pour rentrer dans un monde puis en ressortir et passer dans un monde supérieur, enrichi de notre passage sur terre.Nous venons de loin. Chacun, chacune d’entre nous est le résultat d’une longue évolution. La science qui étudie l’homme rappelle poétiquement que celui-ci récapitule l’univers depuis sa création. Il y a là une vérité vertigineuse .Notre présence au monde n’est possible que parce que, avant nous, il y a eu nos parents, les parents de nos parents, la lignée de nos ancêtres, des hommes, de l’humanité, de l’animalité, du vivant, de la matière, de la terre, de la galaxie, de l’univers, de la création.Un être humain est minuscule et immense à la fois. S’il est minuscule face à l’immense, il est surtout de l’immense contenu dans du minuscule.Tout a été fait pour être réel, matériel, vivant, sensible, vibrant. Le sens de la réalité se trouve dans l’existence même, tant il est beau d’exister. Bertrand VERGELY, philosophe

L'être humain est un être de transmission et de relation

Mais un individu qui n’est pas né à lui même est infantile, sans personnalité profonde, sans liberté. Il a beau vivre selon « la nature » il n’est pas intérieurement en ordre.Chercher à s’accomplir suppose une mutation, un retournement vers l’intériorité.C’est ce qui se propose à celui, celle qui désire aborder la question de sa placegénéalogique. Se retourner, non pas vers l’extérieur comme un observateur passif et déjà victime d’une famille dont il ne serai pas, mais vers sa profondeur. Sentir comment il se représente cet arbre qui ne serait pas là sans lui, comment il porte en lui la singularité de cet arbre là, que la transmission du désir et de la vie a fait se prolonger en lui. Comment le don de vie a continué à lui être fait malgré les épreuves et les transgressions. Voir comment le désir du vivant à s’incarner est plus fort que tout. Comment lui même se laisse t’il traverser par le vivant? Comment est-il vivant lui-même?

La transmission est le processus de transformation engagé par les descendants.

Françoise Dolto, psychanalyste, a la première mis en évidence la possibilité qu’une personne souffrant d’une psychose puisse être inscrite dans une famille où la communication intergénérationnelle soit coupée depuis trois générations.

La place généalogique est la place assignée par le vivant pour un humain qui n’est pas seulement face à sa vie, il est dans la vie et la vie est en lui.

Le leitmotiv contemporain d’une vie « à réussir » nous pousse à chercher à l’extérieur les moyens de cette réussite, et à chercher à l’extérieur les causes supposées à notre nonréussite. Cette réussite court après un soi disant état naturel, ou un idéal extérieur. Or, chacun devient ce qu’il est en faisant vivre celui qu’il n’est pas encore et qu’il n’a jamais été. Ce n’est pas en cherchant en arrière , dans l’horizontalité d’une explication,d’un pourquoi, celui ou celle que nous fantasmons avoir pu être si …, si …, si …Cette attitude nous décentre et donne l’importance réductrice au monde de l’extériorité et non pas au processus du vivant qui s’incarne au coeur même de la relation entre intériorité et extériorité, entre masculin et féminin.

C’est au coeur des alliances que la beauté du vivant se révèle à nous, et c’est à contrario dans les ratés de celles ci que nous pouvons reconnaître les blessures de la transmission, qui atteignent à l’intérieur de chacun, le germe, l’enfant en devenir.

Lorsque qu’une personne vient poser une demande d’analyse transgénérationnelle, sa plainte va souvent être : « je ne trouve pas ma place , … dans ma famille, dans mon couple, dans mon travail etc.… je ne sais pas ce qu’il s’est passé avant moi, qu’est ce que je portes qui n’est pas à moi ? Une des premières paroles qui souvent me vient est "votre place, vous l’avez toujours eu, elle vous a été donnée, mais peut être qu’elle n’a pas été reconnue, peut être que le vécu de cette place est difficile ».

En effet, le processus sera d’y être à cette place, car le vivant est donné à chacun à une place unique .Je lui dit aussi que tout ce qu’il vit est en lui, dans son inconscient et qu’il nous faudra nous donner du temps pour prêter une attention bienveillante à ce qui est, afin de discerner la part de l’extériorité et des influences, et la part de l’intériorité et des projections.

C’est ce double mouvement entre intériorité et extériorité qui demande à être recontacté par le sujet, qui provisoirement est soutenu dans ce processus par le psychanalyste ,un autre, qui maintient l’espace nécessaire au lien, et à l’émergence des images.

La question de la place annonce la question de la présence. Alors que l’on pourrait vivre, on ne vit pas. Nous répondons présent à la vie qui nous appelle, quand nous prenons la responsabilité d’y répondre en notre nom. C’est cette nomination chacun, chacun, qui nous « sauve ».

La même personne qui se pose la question de la place va aussi dans le même temps demander ce qu’il faut qu’elle fasse pour arrêter cela, quel acte doit –elle poser ? Là encore la parole qui me vient souvent est « ne changez rien, voyez ce qu’il se passe, l’action si action il y a, s’imposera de l’intérieur, deviendra une évidence, ne rien faireau forcing, mais avec conviction et douceur ».

Chercher dans l’expérience même du processus cette alliance des forces spécifiques masculines et féminines.

Ce qui va faire transformation, c’est la mutation des énergies ainsi reconnues, ce n’est pas jeter ailleurs, renier, juger, faire porter la faute à l’autre, c’est prendre la responsabilité de l’héritage reçu passivement et faire activement le tri :qu’est ce que je décide de transmettre comme valeurs ? comment je me laisse traverser moi même par le vivant ? quel travail d’intégration puis je accompagner ? Qu’est ce que je décide de ne plus transmettre à travers mes propres comportements et actes ? Quelle part j’ai pris dans le poids supporté ?

Le sujet se lance dans l’aventure intérieure, en adoptant enfin son enfant intérieur blessé.. La transformation ne se fait pas de force, avec agressivité, contre, mais avec douceur et détermination.

La délivrance du poids familial ne peut pas venir contre la structure généalogique,( même si pour des raisons de survie, il est parfois nécessaire de couper le contact avec certains membres de cette famille), car la porte de la famille c’est la porte de la société. Il est plutôt ici question d’articuler l’histoire familiale et des liens familiaux avec la structure de l’arbre de vie.

A chaque histoire d’enfant, correspond un arbre généalogique, car tout le monde a le sien. Denise REBONDY, psychothérapeute

Les pardons de convenance ne sont pas non plus « efficaces », car le pardon est un processus du vivant: cela nous vient. Notre patience et notre humilité sont sollicitées, c’est une oeuvre qui se fait dans un temps qui nous dépasse, de toute éternité.

La question de la place est écoutée du point de vue du vivant

L’exploration de la place généalogique du point de vue du vivant, s’inscrit dans une vision holistique, croisement de la verticalité et de l’horizontalité de la transmission dans ses composantes de désir, de vie et de mort.

Ouvrir nos yeux, nos oreilles, nos narines, notre imaginaire à ce qui s’est tissé ou troué au coeur des relations, dans une mise en perspective sur trois générations. En effet, ce qui fait trauma, n’est pas l’événement seul, mais comment cet événement est parlé, vécu dans la relation aux autres présents. Il ne peut trouver sens que dans le coeur à coeur de la relation , et non pas d’un point de vue mécaniste, qui poserait des liens linéaires et chronologiques de cause à effet .

Il n’est plus question d’informations objectives, mais de la position subjective du patient dans ces événements. Lui, comme sujet.
Simone Kaurf Sosse, psychanalyste

C’est la beauté de l’amour qui donne son élan à la vie psychique.

Donner pour la joie du don est l’émerveillement des toutes premières relations entre l’enfant, sa mère, son père. Mais cet instant est fragile, car il interroge la capacité relationnelle de chacun dans la résonance avec son propre vécu d’enfant en ce qui concerne ceux que cette naissance rend parents.

Ce triangle de vie est le coeur même d’un processus dynamique d’ attachement / détachement, d’agrippement/désagrippement qui se constitue dans la dyade mére-enfant dont le père ,tiers jamais exclu, est présent dans la manière dont la femme parle de son homme, même s’il est absent physiquement parce qu’il est ailleurs … justement .C’est la mémoire de ce lien symbolique qui se témoigne lorsque les corps ne sont pas ensembles.

La vie se manifeste à travers le 3, le triangle. La structure d’un arbre généalogique peut se visualiser comme un emboîtement successifs de triangles homme-femme-enfant.

En effet, c’est de sa place de fils ou de fille qu’un homme ou une femme devient père et mère.

Le sujet ne saurait se confondre avec sa fonction de père et de mère. C’est en tant que fils et fille qu’il la tient, et c’est en tant qu’homme ou femme qu’il laisse la place ouverte
Joël CLERGET, psychanalyste

Suivant les degrés d’autonomie narcissique des parents et l’intégration de l’éthique de la relation que nous allons explorer maintenant, nous pourrons observer dans certaines familles, comment la structure a été mise en torsion sur 3 générations, avec parfois l’aplatissement des triangles jusqu’à leur disparition totale, et l ‘anéantissement de la structure fondamentale recouverte par la forme de l’organisation particulière familiale.

Le chemin sera alors de reconnaître la structure vivante de l’arbre, ontologique, en la différenciant de la forme qu‘a prise telle ou telle famille.

C’est le maintien du lien entre la forme et le fond qui ramène la santé, dans son sens d’équilibre.

C’est comme un arbre, tous les arbres ont des racines, un tronc, des branches, des feuilles, parfois des fleurs et des fruits . Donc un pommier est un arbre, mais l’arbre n’est pas le pommier.

Ethique de l'altérité

Le mot éthique ou science de la morale, de ce qui régit les moeurs, sera entendu ici comme « devoir être », dans son sens ontologique .Le respect fonde le vivant même, l’humain vivant, être parlant, à travers la recherche d’une équité, d’un équilibre dans la relation entre la fiabilité, les droits et devoirs réciproques. C’est la reconnaissance distincte de l’autre dans son intégrité et son originalité. Unique et semblable. C’est un principe civilisateur: chacun a une place irremplaçable sans autre considération.

La vie sociale est imparfaite, la vie familiale est imparfaite, c’est l’espace d’intimité rendu possible et secret qui permet à chacun de s’accomplir, de prendre soin de sa vie intérieure, de vivre dans la profondeur. La loi symbolique est donnée avec la vie, c’est un don de liberté, de soutien à rester dans le mouvement.

La loi dit : Suis la loi, sache que tu ne la suivras jamais toute, mais voyons ce que tu feras de ceci qu’elle t’échappe … la loi est un processus infini, un flux-reflux des limites qui se déplacent et s’interprètent.
Daniel Sibony, psychanalyste

Il n’est pas tant question de lui obéir comme à un dogme que de la vivre. Job, par exemple, l’homme de bien, a fait d’une loi infinie, une loi finie. Il faisait des sacrifices pour se mettre en règle avant d‘être en faute.

C’est un phobique de la faute plus qu’un tenant de la loi.
Daniel Sibony, psychanalyste

La loi symboligène apparaît avec l’interdit du cannibalisme« ne pas manger de tout ». Il est dit de ne pas manger l’autre : ne pas l’incorporer, mais lui parler. C’est une naissance au symbolique : parler plutôt que demanger, symboliser plutôt qu’incorporer. Ce qui est incorporé a toujours statut d’objet (bon ou mauvais), ce qui est symbolisé est de l’ordre de la relation, et nous introduit au manque existentiel. Il sera aujourd’hui encore question de cannibalisme psychique , et les compulsions addictives peuvent s’entendre parfois de ce côté là.

L’interdit de l’inceste se parlera dans l’impératif « quitte la terre d’où tu viens » il invite l’humanité à inventer l’échange de groupe à groupe. Il nous indique que la relation ternaire (mère, père, fils ou fille ), ne peut se rabattre sur une relation binaire (mère, fils ou fille, père , fils ou fille), sans porter gravement atteinte à la santé psychique de l’enfant. Depuis Freud, de nombreux psychanalystes ont théorisé sur l’inceste dans ses différentes dimensions: du 1er type, du 2eme type, climat incestuel.

L’interdit du meurtre ouvre à la canalisation des pulsions agressives, et à convertir la main armée en outil et en don de main, passer du prendre au donner-recevoir. C’est l’interdit de l’annulation de l’autre, quelque soit la forme du meurtre physique ou psychique.

Les interdits fondateurs forcent les hommes à trouver leur créativité sociale, économique, et langagière. Ils incitent à découvrir l plaisir d’une vie réglée en lieu et place d’une vie déréglée
Bertrand VERGELY, philosophe

Cette loi transmise ontologiquement ,constitutive de notre humanité est à expérimenter, elle est au travail car si la parole se transmet, l’humanité elle ne se transmet pas, elle se propose à nous , à chaque génération, à chaque instant, à chacun d’entre nous de dire OUI ou NON à l’aventure. Se définir pour et non pas contre ( vision policière de l’humanité qui fait la chasse aux brutes, ou grisaille d’une mise en ordre administrative). Où en suis-je avec l’interdit du manger l’autre, de tuer l’autre, de garder la sexualité dans la famille ? où en suis-je avec ma capacité de tolérer cet autre , étranger, étrange, mystérieux, irréductible à moi même. Comment les relations se sont elles établies dans la famille et avec l’enfant naissant ? a t’il été considéré d’emblée sans preuve à donner comme un humain en devenir, a t’il été respecté par le parent comme lui-même.Unique et semblable ?

Ce questionnement, loin d’être moraliste ou moralisateur nous ouvre à notre responsabilité et à l’interdépendance relationnelle.

L'étique de l'entre-deux

Martin BUBER a développé une philosophie de l’entre-deux et du dialogue, comme éléments de base de toute relation humaine. Lorsque deux être humains se parlent, le sens de cette parole ne se trouve ni chez l’un, ni chez l’autre, ni dans les deux ensembles mais dans leur « entre-deux » encore faut il qu’il y est eu cet espace dés les premiers moments de la rencontre, ou qu’il puisse s’y construise progressivement. Dans ce cadre, la faculté d’autonomie se construit dans la faculté à s’engager dans ce processus du donner-recevoir et non uniquement sur la faculté à se séparer. La différenciation vient de fait dans l’aller-devenant. Dans l’ancien testament, la grande faute est l’idolâtrie, c’est arrêter la transmission en incluant tout le symbolique dans un objet, ou un fétiche ou un maître. C’est faire du signe, du symbole, du mythe. Symboliser, c’est s’ouvrir à ce sens émergeant dans cet entre-deux de la relation, cela échappe, c’est à vivre, à sentir, ce n’est pas à saisir.

Ethique relationnelle

L’éthique relationnelle conceptualisée par Ivan BOSZORMENYI-NAGY permet en se situant du côté des ressources et des responsabilités d’abandonner une conception uniquement basée sur la pathologie ou « l’erreur ». Elle tient compte du lien étroit entre l’influence qu’ont sur l’individu les acquis des générations précédentes, et la façon dont cet héritage sera utilisé au cours de sa vie et par les générations futures.

Une relation est équitable , s’il y a un équilibre correct entre ce qui est reçu et donné, entre les droits et les obligations. L’éthique de la relation parent-enfant implique de considérer que dés sa naissance , l’enfant est un partenaire tout à fait actif de cette relation et d’admettre qu’il n’ y est jamais en dehors (quelque soit son immaturité biologique ou psychologique )de cette éthique. Il peut en subir les conséquences les plussérieuses. IL est celui qui a le plus besoin de la confiance. Et il est aussi celui qui offre aux autres une réserve de confiance leur donnant de nouvelles possibilités de les valider. Jean-François LE GOFF, psychiatre et thérapeute familial

C’est l’enfant qui rend parents, l’ homme et la femme qui l’on conçu et/ou qui l’adopte.

Le donner-recevoir: unilatéralité ou réciprocité

La transmission parents-enfants est souvent abordé dans sa dynamique descendante à savoir qu’est ce que j’ai reçu, qu’est ce que mes parents m’ont donné ou pas ?? etc. Ici nous envisagerons simultanément la dynamique ascendante, du comment l’enfant a t’il pu donner ? Qu’a t’il donné ? Son droit de participer à la construction du monde humain en donnant a t’il été reconnu ?ou au contraire son don a t’il été nié, utilisé, manipulé ?

Car sur le plan existentiel, l’injustice la plus sévère est la perte de la possibilité de donner.

Le pouvoir recevoir est la condition indispensable à la survie, mais le pouvoir donner est la condition indispensable à la vie vivante du sujet en devenir, par la consolidation de la confiance. Le parent donne lui de façon unilatérale, c’est sa responsabilité que la naissance ou l’adoption crée de manière irréversible . Lorsque l’enfant donne, ce n’est pas pour rendre, c’est pour reconnaître ( naître à nouveau avec d’autres). La vie lui a été donnée et il la redonne à d’autres. C’est une place de sujet qui donne avec les autres et non pour les autres. Ainsi l’enfant acquière pleinement son statut d’humain parmi les humains. Le déséquilibre dans ce mouvement, soit du fait d’épreuves de la vie, soit par non « réception » de son don peut entraîner le bébé et l’enfant et ensuite l’adulte à des attitudes de parentification destructrice : toujours donner plus, de manière déséquilibrée pour son harmonie interne entre donner et recevoir.

La succession des générations et la vulnérabilité du petit humain naissant prématuré, implique de fait une éthique de la relation , la vie ne se conçoit pas de soi même, elle est donnée à travers le désir et la rencontre d’un homme et d’une femme. Cela génère de fait une dette existentielle.

Cependant, le mandat transgénérationnel « Honores ton père et ta mère » (le sens étymologique de honorer en hébreu peut se traduire par « donner du poids ») n’est pas l’obligation de répéter ce qu’ont fait les parents ou les ancêtres, ni de rester « fidèle » aux traditions de manière rigide mais c’est l’invitation à essayer de transmettre en tentant d’améliorer, c’est un mouvement de l’évolution même qui va toujours vers plus de sens , les enfants dépassant les parents, et s’apprêtant eux mêmes à être dépassés par leurs enfants.

L’analyse transgénérationnelle est une approche structurelle originale qui se soutient des points de vue de la psychanalyse, de la psychologie des profondeurs et de l’anthropologie, et s’inspire de l’enseignement oral de Janine ASSENS psychanalyste. La méthodologie est construite autour de plusieurs axes:

  • L’analyse s’appuie sur une vision holistique , globale de la structure généalogique, dans laquelle les relations sont considérées dans leur complexité et leurs mouvements, sans réduire la relation à un de ses aspects. Les faits, la dimension psychologique, les comportements et les transactions sont pris en compte.
  • C’est une démarche subjective que le sujet au travail engage à partir de sa question émergeante du moment. Il ne peut en aucun cas y avoir une vérité objective de l’histoire familiale.
  • Le processus nécessite se s’assurer d’abord des points d’ancrage avant d’ouvrir l’exploration inconsciente . Un temps sera d’abord consacré à se relier avec des moments numineux (nature, amour, art, sacré) vécus par le sujet comme l’expérience d’avoir senti là, l’évidence d’être sans question.
  • Les ateliers collectifs proposent d’être avec d’autres dans une attention à la vie. L’attention éveillée, concentrée, créatrice de plusieurs personnes devient un faisceau d’énergie capable d’ouvrir les portes fermées à clefs.
  • La compréhension, qui se situe sur la plan de l’appel et de la réponse, se différencie de l’explication qui cherche à maîtriser les choses en les démontrant et en laissant supposer qu’il y aurait une vérité définitive et objective (idéologie), ce qui fait sens unifie, cela se ressent en profondeur, c’est la délivrance : je suis vrai, ma vie a du sens, ce qui s’est vécu n’est pas absurde, cela fait partie de l’expérience humaine. C’est un vécu.
  • L’histoire est évolutive, le fait de s’y intéresser la transforme, invite à la réélaborer.

C’est le sujet au travail et dans l’après coup qui met DU sens à son histoire et à sa vie, ce n’est pas LE sens de son histoire ou de sa vie (sous entendue une vérité définitive pré- existente qu’il faudrait découvrir ) ni une explication réponse à un pourquoi . Cela fait sens pour le sujet à un moment donné dans la manière dont il va reconstruire l’histoire familiale, reconstruction qui continuera d’évoluer et de s’enrichir ou de requestionner.Un sens qui n’exclu personne, et reconnaisse que chacun a été nécessaire à la transmission de la vie quelques aient été ses agissements et les affects que nous entretenons avec lui. En effet, l’univers ne connaissant pas le vide, la place bafouée sera comme un gouffre qui crie et appelle. Cela crée un déplacement. Le travail sera alors de réintégrer la partie ainsi clivée.

L’exploration de la place dans l’arbre familial développe l’amour dans sa dimension de respect, compassion et tendresse dépouillé des affects, et des dictats surmoïques.

  1. Un premier temps de discernement: travail sur les images.
  • l’exonération: comprendre les parents et les ascendants, non comme des monstres (ceux que l’on montre, qui sont donc dehors), mais comme des humains agissant dans un contexte particulier, et au coeur des processus complexes del’humanité. Différencier les actes des personnes, pouvoir reconnaître les transgressions à l’éthique, non comme un justicier qui aurait affaire uniquement à la loi, mais comme un sujet, qui a rapport à l’autre et à lui même par la loi qui lui a été aussi donnée et à laquelle il est lui-même soumis. C’est remettre dans l’humanité les parts monstrueuses, en les reconnaissants comme non acceptables mais possibles.

  • faire la part: passer par la méthodologie de la dualité permet de sortir de la confusion, discerner entre intériorité « ce qui vient de moi » et extériorité « ce qui ne vient pas de moi », entre influences et projections. Reprendre à son compte ses projections pour les élaborer. Reconnaître l’inconscient dans le conscient, à travers l’écoute des rêves, lapsus. C’est une lecture entre les lignes , plutôt qu’une reconstruction qui se voudrait historique. En quoi cela peut-il avoir du sens d’être en relation avec telle information à un moment donné ? L’association libre est la base du travail.

  1. Se laisser labourer comme une terre par le processus du vivant.
  • Contacter le sensible, les sensations, émotions, sentiments et pensées.
  • Se représenter et représenter les choses : la dimension poétique comme dédramatisation permet de lâcher la tension, et d’accueillir la douleur de celui qui vit le conflit .
  • Cesser de se sacrifier sur l’autel des douleurs ancestrales ou au nom de ses douleurs, pour témoigner de la créativité du vivant.
  • Opposer à la violence du sacrifice, la générosité du don. Choisir le vivant(et non pas le bien ou le mal).
  • Faire le deuil de la croyance d’être la réponse au manque de l’autre, et qu’il le soit du mien.
  • Reconnaître ses ascendants comme des autres :

Dés qu’un patient peut reconnaître ses parents comme « des autres », alors ses parents et ses origines deviennent des parties deson histoire et non des contenants de cette histoire Daniel SIBONY, psychanalyste

  • Pouvoir enfin reconnaître sa propre naissance comme juste dans le sens du latin « Est, Est »(ce qui est , est), et l’accepter comme un don.
  • Accepter la vulnérabilité d’être là.

L'auteur

Andrée HERBIN

Andrée HERBIN

Psychanalyste- psychanalyste transgenerationnelle-

Fondatrice de l'approche de psychanalyse transgénérationnelle Place et Présence ® Accompagne le processus VIVRE LA MUTATION ®- enseignement la voie du monde TEL-VIDEOCONSULTATION