Un article de Willy BARRAL publié le 06 juillet 2012

Françoise Dolto a emprunté le concept du transgénérationnel à C.G.Jung, dont elle est allée suivre pendant deux ans le séminaire à Zurich. Car c’est Jung qui, le premier, a introduit en psychanalyse la notion d’inconscient collectif et celle du transgénérationnel.

On connaît la fameuse déclaration de Freud, lors d’un échange avec Jung, qui lui affirmait que l’on ne pouvait pas recevoir et travailler avec des enfants sans recevoir les grands-parents :

Si vous avez raison docteur Jung, j’espère que je n’aurai pas à m’occuper de cela de mon vivant !

L’histoire transgénérationnelle, par héritage inconscient des deux lignées, maternelle et paternelle, venait en effet renverser complètement le paradigme bourgeois de l’époque, selon lequel les enfants appartiennent à leurs parents et voilà pourquoi « les chiens ne font pas des chats » !

Françoise Dolto, me dit un jour dans une séance de contrôle que j’avais avec elle lorsque, jeune psychanalyste, j’étais en formation chez elle :

Vous savez, je suis allée voir C.G. Jung, qui n’était pas en odeur de sainteté chez les Freudiens, pour étudier avec lui la notion d’Inconscient collectif.

Freud a rejette Jung parce que Jung a contesté sa théorie du « Pansexualisme * » et a préféré développer sa théorie propre d’inconscient collectif et de transgénérationnel.

Furieux, Freud à été le premier à laisser courir une rumeur selon laquelle si Jung l’avait laissé tomber c’était par « antisémitisme ! ». Les querelles d’école fleuraient déjà bon le religieux étroit que Freud lui-même combattait pourtant !!! … et la névrose de Freud ici n’a rien à envier à son génie…

A propos de la publication de « L’avenir d’une illusion » par Freud , Françoise Dolto me disait :

La névrose de Freud ne l’a pas empêché de développer son génie !

Evidemment la « foi chrétienne » de Dolto, qui lui fit déclarer à Bernard Pivot lors de l’émission Apostrophe :*« Sans la Foi je n’aurais jamais pu exercer ce métier de psychanalyste » *, ne pouvait satisfaire le regard lucide et intransigeant de Freud sur les phénomènes dits de croyances, quelles qu’elles soient… Lire aussi son fameux « Moïse et le Monothéisme » !

Pourtant reconnaissons quand même que le combat d’idées entre Freud et Jung sur le pansexualisme, comme sur l’inconscient collectif ou le transgénérationnel aura porté ses fruits, puisque Freud reconnaîtra ensuite l’importance de cette découverte, en empruntant au texte hébraïque de la Thora cette affirmation responsabilisante :

  • Les fautes des pères rejailliront sur leurs fils jusqu’à la troisième ou quatrième génération[nbsp.*

Message symbolique que l’on a retrouvé encore plus sévèrement exprimé dans les écrits sumériens sous la forme suivante :

Les fautes des pères rejailliront sur leurs enfants jusqu’à la septième génération .

Et l’on sait bien aujourd’hui tout ce que la religion hébraïque doit à l’Egypte et à Sumer.

Le transgénérationnel, et la psychogénéalogie qui s’en suivra, nous invitent à beaucoup de modestie intellectuelle, car l’idée remonte à la nuit des temps et par ailleurs de quoi s’étonnerait-t-on, en effet, puisque le langage populaire l’a parfaitement intégré en le reformulant par la métaphore des raisins de la colère :

Les parents ont mangé des raisins verts et les dents de leurs enfants en ont eu les dents agacées !

Françoise Dolto n’a donc rien inventé, mais elle a su l’intégrer à sa pratique clinique auprès des enfants.

Dans le livre que j’ai publié chez Payot, intitulé : « Le corps de l’enfant est le langage de l’histoire de ses parents », pour aborder la question des troubles psychosomatiques de la petite enfance, je rappelle le cas « Tony », rapporté par Françoise Dolto dans son ouvrage théorique intitulé « L’Image Inconsciente du Corps » publié au Seuil en 1984.

Il s’agit d’un enfant atteint d’un trouble très invalidant pour lui puisqu’il s’agit de la marche.Je reprends ici littéralement une page de mon livre et voici le récit que j’en fais :

Ce jeune garçon de dix ans souffrait des genoux au point de ne plus pouvoir aller à l’école, et cependant les examens médicaux ne décelaient pas l’origine de ces douleurs aiguës. Genoux ou Je-Nous, c’est-à-dire une question relative au lien affectif qui nouait l’enfant à son père. Celui-ci, orphelin de père et abandonné à l’Assistance publique, avait eu une enfance malheureuse et avait été atteint d’un ulcère à l’estomac. La conclusion de Dolto, après avoir éclairé les non-dits transgénérationnels dans les deux lignées, est la suivante : « Il faut remonter encore plus haut dans l’histoire de ces désirants, il faut remonter à la détresse de l’arrière-grand-mère maternelle et de l’arrière grand-mère paternelle de Tony, lors de leurs grossesses désirées comme valeur par la société ; des femmes qui avaient servi d’objet à un homme irresponsable et n’avaient pas été soutenues pour ce qui est d’assumer leur enfant. C’est tout cela que Tony résumait dans son corps, dans ses deux genoux, chacun de ses membres inférieurs représentant son assise dans la vie, ses deux parents, pour qui l’énigme était “Je-Nous”. Ce sont des évènements qui se sont passés entre leurs grands-parents et leurs géniteurs, comme aussi des évènements qui se sont passés au cours de la vie du sujet, mais n’ont pas pu se parler au fur et à mesure des mutations de sa vie. C’est le corps de Tony qui semblait l’empêcher de vivre et ce n’était pas cela, mais le non-dit que ce corps représentait. (p.373.)

Ainsi voyons-nous que Françoise Dolto s’engageait avec passion et courage dans ce courant de pensée psychanalytique du transgénérationnel à travers la préface qu’elle écrira à Jeanne Van den Brouck pour son livre, révolutionnaire à l’époque, qu’elle avait intitulé « Manuel pour des enfants qui ont des parents difficiles », paru chez Points, collection Virgule, en 1979 :

Le corps, comme l’auteur le montre, est dans ses désordres ou son ordre, bien avant la parole verbale, dire de vérité dans ses fonctionnements de santé ou de maladie. Ce livre de vérité, quant il est reconnu, se découvre comme secours du taire, du non-dit ou du mentir des parents d’un enfant ; un enfant qui les comprend bien dans leur silence et leurs angoisses, bien avant que ceux-ci, s’ils y arrivent un tant soit peu, et si psychanalystes qu’ils soient, ne pourront le faire jamais. La lucidité silencieuse des petits d’homme est une des découvertes qui nous a permis de faire la psychanalyse ; non seulement celle des adultes, qui à travers des souvenirs déformés se souviennent de leur enfance et dans leur corps du legs d’angoisses de leurs parents, mais aussi et surtout la psychanalyse des enfants tout petits, dont le corps, le caractère ou l’esprit en désordre inquiètent leurs parents, sans que le médecin y décèle une cause organique et pour lesquels on recourt maintenant aux psychanalyses précoces. (p.27.)

Et Françoise Dolto de clarifier les choses, s’il le faut encore, écrira un peu plus loin ceci :

Dans certains cas les symptômes des enfants expriment la souffrance intolérable d’être laissés dans l’ignorance d’un événement qui les concerne, et dont les parents refusent de leur parler, donnant ainsi sans le savoir à leur enfant qu’ils protègent un statut d’animal domestique, inviable sans désordre langagier pour un être humain. Dans d’autres cas, les symptômes des enfants expriment une souffrance actuelle ou passée du couple, ou d’un des parents et par eux, non seulement non dite, mais le plus souvent cachée ou même oubliée. L’entrée de l’enfant dans ces bizarreries date d’un jour où – précisément ce souvenir, par certaines circonstances, est remonté en mémoire ou en rêve chez l’adulte qui l’a aussitôt rejeté au fond des oubliettes de ses pensées, mais non sans que l’enfant très jeune, toujours très sensible jusqu’à la télépathie à ceux qui l’entourent, ait ressenti le malaise fugitif de l’adulte, certainement aidé aussi par le lien subtil de vases communicants que le tout jeune enfant établit avec ses familiers. (P.28)

Pour ma part, je peux vous inviter à lire le cas Armen du « Jardin Arc-en-Ciel » que j’ai créé en Arménie, car cette histoire est la parfaite illustration de la théorie de l’Image Inconsciente du Corps de F.Dolto : On la trouve aussi racontée dans mon livre au chapitre 5 intitulé « Une hydrocéphalie bien étrange », et résumée ainsi:

La mère d’Armen arrive seule avec son fils. Il a quatre ans ; elle est toute de noire vêtue, l’air fatigué, extrêmement pâle, affichant toute sa dépression. Armen se précipite vers l’endroit où il y a le petit bassin d’eau, avec des jouets en plastique : canards, petits bateaux, etc. Sur la margelle du petit muret en carrelage qui retient l’eau, des éponges de couleurs diverses sont collées pour éviter que les petits enfants ne se cognent la tête en glissant sur le carrelage du sol et risquent de s’y faire très mal. Nous sommes assis, à deux pas de ce petit bassin : la mère, mon interprète et moi- même. Armen est debout et nous tourne le dos, mais il peut tout entendre de notre conversation. La mère est venue me voir pour que je lui donne une bonne adresse d’hôpital à Paris, car son fils doit être opéré bientôt pour une hydrocéphalie : sa tête est en effet deux fois plus grosse que celle des autres enfants ! Elle s’est mise à gonfler très progressivement, il y a quelques mois déjà. Je demande à la mère de m’expliquer pourquoi elle est habillée tout en noir et depuis combien de temps. Elle me répond qu’elle a perdu son mari, il y a deux ans déjà, mort au Tadjikistan d’un infarctus. Ils vivaient tous ensemble là-bas en famille, mais ils sont revenus en Arménie, en avion, pour enterrer le père de l’enfant sur la terre de ses ancêtres. Son fils Armen ne sait pas que son père est mort, me dit la mère qui parle presque à voix basse ; il avait deux ans alors et il était trop petit pour comprendre. « Sinon, ajoute-t-elle, si on le lui avait dit, il aurait trop souffert. »Je demande à la mère comment elle peut être sûre que son fils n’en sait rien. Elle m’assure qu’elle ne lui en a jamais parlé, qu’elle n’en a jamais rien dit non plus depuis et qu’elle n’a jamais pleuré devant lui. D’ailleurs lui-même ne parle jamais de son papa. Puis elle se reprend et ajoute : « Ah ! Si. Pardonnez-moi, un jour il m’a demandé où était son papa et je lui ai dit qu’il était dans l’avion en voyage. »Je regarde Armen pendant que la mère me parle et je le vois en train d’arracher avec rage les éponges de couleur qui sont collées sur la margelle du petit bassin d’eau. Je le fais remarquer à la mère qui dit alors à son fils : « Armen, mais qu’est-ce que tu fais ? Ne touche pas à ces éponges, arrête de les décoller comme ça ! »Je dis à la mère de laisser son fils s’exprimer comme il l’entend, ce lieu a été conçu pour ça.« Regardez plutôt l’intelligence de votre fils. » Nous sommes en train de parler de son papa qui est mort. Vous venez de me dire qu’Armen ne parle jamais de son papa puisque vous ne lui en parlez jamais et qu’il ne pleure jamais ; vous non plus d’ailleurs. Mais une fois, vous lui avez dit que son papa était dans l’avion en voyage. Pendant que vous me parliez je voyais bien qu’Armen suivait avec beaucoup d’attention notre conversation, puisqu’il décollait les éponges du bassin d’eau, en jouant à faire voler une éponge comme un avion après qu’il a décollé du sol ! – Ah oui ! Figurez-vous que son jeu préféré le soir, à la maison, c’est de me dessiner souvent un avion avec ses crayons de couleur et de m’offrir son dessin avant de se coucher en me disant ceci : “C’est pour toi, maman, pour que tu dormes bien !” Ou bien, parfois, il fabrique l’avion avec le papier et essaie de le faire voler “pour papa”. J’étais bien étonnée de cela, mais je ne disais rien pour ne pas le voir pleurer, et moi j’allais pleurer en cachette dans ma chambre, mais je n’ai jamais pleuré devant mon enfant. – Oui, dis-je à cette Mère-Courage et cependant si dépressive, c’est comme si votre fils voulait vous consoler. D’habitude, c’est la maman qui raconte une histoire, le soir, pour endormir son enfant. Chez vous, c’est votre fils Armen qui vous raconte une histoire pour que vous puissiez bien dormir. Votre enfant vous aime beaucoup et il prend soin de vous. Il n’a pas envie que vous disparaissiez comme son père, brutalement... – Ce que vous me dites là me fait penser à un cauchemar que je fais très souvent la nuit depuis longtemps. Je me vois avec mon fils au bord de la mer Morte et je le perds de vue. Tout à coup il n’est plus là ; c’est comme s’il était mort parce que je l’aurais perdu dans la mer Morte. Je ne comprends pas pourquoi je fais ce rêve si souvent. Et je me réveille en larmes. » Je reprends la parole et dis à la mère ceci : « Dans la langue française, l’expression “mer Morte” peut évoquer la mer Morte, qui était, à une époque, la frontière de votre grand pays, l’Arménie, et aussi une mère morte, la maman de l’enfant, qui aurait peur de mourir et de perdre son enfant qui, à son tour, pourrait mourir d’avoir perdu sa mère. – Oh ! Ce que vous me dites là est effrayant et cela m’oblige à vous dire la vérité. » La mère baisse la voix et me confie ceci : « Armen n’est pas mon vrai fils, mais il ne le sait pas. Je l’ai adopté à sa naissance quand sa mère est morte en couches à la maternité. J’étais une amie de la famille de sa mère et je l’ai tout de suite adopté parce que je n’avais pas d’enfant. Mais Armen ne sait pas que je ne l’ai pas porté dans mon ventre. Son papa et moi, nous ne lui en avons jamais parlé. Je regarde Armen qui nous tourne toujours le dos. Il s’est brusquement arrêté de jouer et je vois son bras comme figé en l’air avec son éponge-avion. Comprenant que l’immobilité de cet enfant de quatre ans signifie qu’il est saisi par cette grande nouvelle qui le cloue sur place, je viens à son aide en m’adressant à lui : « Armen, lui dis-je, viens nous voir. Tu as tout entendu de ce que ta maman vient de me dire. C’est pour toi qu’elle m’a parlé. C’est pour que tu saches toute la vérité aujourd’hui, cette vérité qu’elle n’arrivait pas à te dire de peur de te faire souffrir. Il y a longtemps sans doute que tu savais cela, mais tu ne pouvais rien dire à ta maman pour ne pas l’affaiblir. » La mère se met à respirer difficilement, de manière saccadée, semblant retenir un sanglot... « Toi, Armen, tu es un enfant formidable qui a aimé ton papa et qui sait bien qu’il est mort, mais tu ne peux pas le dire à ta maman autrement qu’en lui dessinant des avions pour qu’elle puisse mieux dormir. Tu ne veux pas qu’elle ait mal au cœur à cause de toi.« Et puis, tu as un si grand cœur, toi, puisque tu as deux petites mamans que tu aimes tous les jours dans ton cœur : ta maman de naissance qui t’a porté dans son ventre pendant neuf mois, pour que tu arrives bien vivant au monde, et puis, comme elle est morte, c’est ta deuxième petite maman qui t’a recueilli dans ses bras et dans son cœur à ta naissance pour que tu ne risques pas de mourir à ton tour. » La mère pleure et s’effondre bruyamment en larmes. Armen se précipite en courant vers la directrice du lieu, Karine Barikian, pour aller chercher un mouchoir pour sa maman. Il revient vers elle et monte sur ses genoux pour lui essuyer les yeux. La mère prend alors son fils dans ses bras et les voilà qui pleurent ensemble abondamment, dans les bras l’un de l’autre pour la première fois depuis sans doute bien, bien longtemps... L’émotion est à son comble et toutes les personnes qui sont là ce jour, même les petits enfants qui sentent qu’il se passe quelque chose d’inhabituel, se rapprochent de nous et nous entourent comme un chœur antique qui ferait écho à toute cette vie émotionnelle intense. Tout le monde a la larme à l’œil. Je laisse s’écouler cet instant d’émotion et je termine ce partage en m’adressant à nouveau à Armen : « C’est formidable, Armen, ce qui t’arrive : tu peux enfin pleurer de tout ton cœur pour ton papa qui est mort quand tu avais deux ans, pour ta petite maman morte lorsqu’elle a réussi à te mettre au monde et qui est très contente aujourd’hui pour toi que tu sois vivant. Et puis aussi tu peux enfin pleurer d’amour pour ta seconde petite maman qui t’a sauvé la vie en t’accueillant chez elle et dans son cœur à ta naissance ! « Tu es l’enfant le plus aimé du monde et toi tu le leur rends bien, tu les aimes tous dans ton cœur. Tu n’as plus à te sentir coupable d’avoir perdu ta maman de naissance, tu n’y es pour rien, ni ton papa d’adoption de cœur, tu n’y es pour rien non plus, et dans la douleur de ta maman d’adoption de cœur, là encore tu n’y es pour rien ! Tout le monde peut pleurer de joie. Les larmes, ça fait tellement de bien, c’est la vie, comme le rire. Rire et pleurer, c’est ça la vie, et tout le monde y a droit, et toi aussi.*

C’est cela que Dolto appelait le « parler vrai » aux tout petits enfants.

Ne pas raconter tout ce qui vous passe par la tête, comme cela a été mal compris par beaucoup de mères qui risquent d’encombrer, pour le coup, l’enfant, mais aller à l’essentiel qui est vital pour sa propre intelligence.Si j’ai parlé ainsi à Armen, c’est, bien évidemment, parce que je pouvais comprendre le drame affectif de culpabilité dans laquelle la mère adoptive d’Armen se trouvait prise et dont son cauchemar parlait : elle perdait son fils au bord de la mer Morte, m’avait-elle dit.Sa culpabilité rejaillissait sur son fils qui l’avait incorporée à travers un symptôme à mort : une hydrocéphalie. Mais qu’est-ce qu’une hydrocéphalie, si ce n’est une infection par rétention du liquide céphalo-rachidien !Les larmes qu’Armen retenait dans sa tête et ne pouvait pas laisser sortir, comme sa mère d’ailleurs, pouvaient être ainsi une représentation de cette forme de névrose coupable maternelle qui n’avait jamais dit la vérité à son fils ? Et c’est Armen qui en faisait une maladie à mort, peut- être … car on n’en sait rien au fond ! On ne peut que supposer un lien de cette nature entre le corps physique et le corps psychique. Je veux bien, pour ma part, me risquer à une interprétation : mieux vaut mourir, disait sans doute l’inconscient de l’enfant, plutôt que d’être la cause de la souffrance de maman. Comment savoir ?

J’ai revu Armen et sa mère six mois plus tard. Ils avaient continué à venir régulièrement dans notre « Jardin Arc-en-ciel » et le chirurgien de l’enfant avait accepté de surseoir à l’opération de l’enfant comme le lui avait demandé la mère le premier mois qui avait suivi notre rencontre à Erevan. J’avais donné ce conseil à la mère, escomptant bien quelques effets positifs de ce « tombereau de larmes » que l’enfant avait pu enfin lâcher.Si rien ne se passait, l’opération serait réalisée dans un mois. La mère a suivi mon conseil, en accord avec son chirurgien et son pédiatre.Au bout du premier mois, l’hydrocéphalie commençait à régresser, et le chirurgien a proposé alors un deuxième mois encore, et ainsi de suite, puisque l’enfant allait de mieux en mieux. Il n’a pas été opéré !

Il est vrai que cette histoire paraît incroyable, car cela bouleverse nos certitudes scientifiques sur le fonctionnement du corps... mais elle est chargée d’espérance !

Soyons toujours prudents cependant et surtout toujours respectueux de l’énigme du vivant.Nous savons encore si peu de choses et prétendons toujours avoir découvert la lune !Par ailleurs, il ne faudrait pas que nos lecteurs s’imaginent qu’une Maison Verte, c’est la « cour des miracles ». Mais ce qui s’est passé ce jour-là, dans cette rencontre assez exceptionnelle, m’invite en tout cas à accepter l’évidence : c’est du réel énigmatique. Et je vous proposerai, pour ma part, de vous souvenir de ce que disait le poète René Char :

Le réel, parfois, désaltère l’espérance. C’est pourquoi, contre toute attente, l’espérance survit.

J’aime cette manière de l’exprimer qui laisse toute la place à la fois au merveilleux et à l’énigme de l’énergie vitale qui coule en nos veines.

Cette guérison d’Armen illustre parfaitement, en effet, ce dont je traite dans mon livre ; surtout, cela montre jusqu’où un tout petit enfant peut prendre des risques pour son parent, pour soigner son parent en quelque sorte.

J’espère avoir réussi à vous persuader de la pertinence de la théorie de Françoise Dolto à propos du transgénérationnel, développé tout au long de son livre « L’Image Inconsciente du Corps », qui est, à proprement parler, une mémoire relationnelle des touts premiers liens archaïques et psychoaffectifsdu nourrisson à sa mère et son père, une sorte d’armature immatérielle, en permanent mouvement, qui coordonne toutes nos fonctions psychiques et nous permet d’entrer en contact avec autrui.

Françoise Dolto définit elle-même ainsi l’Image Inconsciente du Corps :

L’image inconsciente du corps est entièrement axée sur le désir, lequel est à égalité de vie et de mort, mais dont la focalisation créatrice d’humanité est la communication avec un autre. Si nous communiquons avec un être fiable, si nous régressons grâce à cet être fiable jusqu’aux images du corps les plus archaïques, et si celui avec lequel nous communiquons est un être de vie, alors tout se répare. C’est ainsi que s’expliquent les guérisons miraculeuses.

Les critiques ont toujours reproché à Freud son pansexualisme, autrement dit de vouloir tout expliquer par la satisfaction substitutive des désirs sexuels. Le pansexualisme est un mot partisan qui dénonce l'explication par la libido de tous les phénomènes humains. Il est basé sur le mot pansexuel (du grec Pan = tout) qui signifie une sexualité qui s'exprime en tout. Il est issu de la psychologie analytique de Jung et employé surtout pour critiquer les théories freudiennes.

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L'auteur

Willy BARRAL

Willy BARRAL

Psychanalyste et écrivain