Un article de Emmanuel Ratouis publié le 01 mars 2017

L’argent c’est de l’énergie. De ce fait, il est bon qu’il circule. Et lorsque dans un arbre généalogique ou après un héritage, l’argent ne descend plus d’une fratrie à la suivante, des prédécesseurs aux suivants, c’est comme si un robinet d’énergie ne coulait plus. Le blocage risque de coûter cher aux personnes concernées, pas seulement financièrement, mais en terme de dynamisme ! Celui qui n’a pas d’argent n’a pas d’autre choix que d’en réclamer pour finir par utiliser l’énergie des autres. C’est juste un constat, je dis cela sans jugement aucun. On a coutume de parler d’argent liquide pour parler de ces moyens d’échange qui peuvent nous filer entre les mains. Cela exprime bien l’idée de la fluidité de cette source d’énergie lorsque l’argent se trouve sous cette forme. Un petit exercice judicieux pourrait consister à vider nos poches pour vérifier sous quelle forme nous en disposons. Avons-nous juste chéquiers et/ou carte bleue ? Ou bien avons-nous du cash également ? Ou bien n’avons-nous que du cash, manière de laisser la porte entièrement ouverte aux va et vient énergétiques ? Il ne s’agit certainement pas de schématiser, encore moins de stigmatiser, mais disons simplement que celui qui ne dispose jamais d’espèces sur lui peut exprimer par là une forme de raidissement par rapport au préférable écoulement normal de l’argent. Il peut peut-être se poser la question d’une éventuelle problématique dans le clan familial. L’idéal étant comme souvent une question d’équilibre !

Lorsqu’il y a blocage dans ce domaine, il est souvent fort intéressant d’aller interroger son arbre généalogique. Peut-être Pourra-t-il nous éclairer sur l’origine du problème ? En espérant que la prise de conscience s’avère salvatrice et nous permette d’amorcer le changement ? Sans elle en tout cas, difficile d’imaginer une évolution en rapport avec notre problématique… A partir d’histoires, je vais tenter d’expliciter un certain nombre de mécanismes inconscients qui peuvent conduire à une situation traumatique vis-à-vis de l’argent, le cas fréquent étant que celui-ci nous file systématiquement entre les doigts. Il est impossible de le conserver. La liste qui suit n’est évidemment pas exhaustive. Pour la compléter, à nous de faire preuve d’autant d’imagination que notre inconscient :

L’argent a été mal acquis par le clan familial.

Il est souvent fort intéressant de se demander d’où vient l’argent d’un clan familial, lorsqu’il y en a ! Dans les milieux bourgeois, nobles ou agriculteurs, l’argent peut avoir été transmis par héritage depuis bien des générations. Dans certains cas, l’un de nos ancêtres a pu faire fortune rapidement : commerce florissant, idée de génie… La question est de savoir si une culpabilité inconsciente n’a pas pu se glisser au cours du mouvement d’enrichissement… Prenons deux exemples pour comprendre : un entrepreneur décide d’investir dans une pelle mécanique et fait fortune en rebouchant les trous d’obus de la guerre de 14. Un autre, producteur d’armements, fait fortune en vendant ses engins de mort à son pays, en sachant qu’ils sont utilisés dès la sortie de son usine. Les deux se sont enrichis grâce à la guerre, mais seul le deuxième porte une responsabilité de mort. Après comme toujours, tout est affaire de ressenti, s’il le vit bien, il n’y aura pas forcément de culpabilité transmise. Mais d’une manière générale, les fortunes mal acquises (vol, usurpation…) ou acquises sur le malheur des autres (trafic d’esclaves, armement, drogue…) peuvent entraîner plusieurs générations après certains héritiers à tout faire pour s’en défaire (mauvais placements, erreurs stratégiques…). Car, inconsciemment, pour eux, cet argent ne doit pas leur rester dans les doigts. Il est toxique et il est préférable de s’en débarrasser.

L’argent est devenu sale à un moment précis suite à un drame

J’ai rencontré en consultation plusieurs fois ce type d’histoires dans l’arbre de personnes souffrant de problématiques à l’argent. Un exemple édifiant parmi d’autres : une femme ne parvient pas à garder l’argent. Pour son plus grand supplice, comme par hasard, elle vit au contact des billets, trésorière dans une banque suisse… Son histoire : Marianne vient d’un milieu modeste. Jeune, elle est tombée enceinte d’un jeune homme de « bonne famille ». La famille de ce jeune homme a refusé le mariage. Du coup, Marianne a élevé seul son garçon qui est devenu un homme très difficile, vivant dans un rapport à la fois fusionnel et conflictuel avec sa mère. Il ne travaille pas et vis dans une caravane non loin de chez elle. Ayant reçu à sa conception un puissant désir de mort sur lui, je ne suis pas étonné d’apprendre qu’il se drogue et a fait plusieurs TS. En remontant dans l’arbre, que découvre-t-on ? L’histoire d’une arrière-grand-mère Adelaïde (prénom illustrant avec Alix le fruit d’une association entre un noble ou un notable et sa gouvernante ou une roturière, la mésalliance associée au regret de la noblesse perdue) : très jeune, cette arrière-grand-mère est tombée enceinte d’un fils de « bonne famille ». Les parents de cette famille catholique comprenaient qu’Adelaïde ait voulu garder l’enfant mais ne voulaient pas entendre parler de mariage. Alors, ils lui ont proposé ce terrible marché. Nous lui donneront une bonne éducation. Nous assurerons son avenir, mais dès sa naissance, vous renoncerez à cet enfant. Pour tout cela vous serez très bien indemnisée. Nous vous donnerons une belle somme d’argent. Une fois le marché conclu, le secret verrouillé, je vous laisse imaginer les ressentis de cette mère qui a accepté d’abandonner son enfant pour quelques liasses de billets. Il ne s’agit pas de jugement mais de ressenti ! Pendant que son enfant grandissait loin d’elle, l’argent est devenu sale pour Adelaïde, intouchable, car il symbolisait tant d’ignominie, de regret et de culpabilité. Après, je vous laisse relire l’histoire de Marianne, depuis le début et vous comprendrez qu’elle s’éclaire désormais sous un tout autre angle… Marianne n’a fait que revisiter le chemin de vie d’Adelaïde, y compris en triant les billets de la banque qui l’emploie comme trésorière. Son fils également. Une fois de plus, on ne peut que constater la logique transgénérationnelle de nos vies.

Il y a eu une faillite traumatique

Cas très simple. On l’oublie parfois, mais un membre du clan, un grand-père, un arrière-grand-père a pu faire faillite en son temps. Pour peu que l’histoire ait été tue ou masquée, parce que trop douloureuse, un descendant peut à son tour être « désigné » inconsciemment par son clan pour s’y reconfronter. Parmi bien des histoires, je peux citer celle de Philippe, ce chef d’entreprise dont le grand-père paternel avait connu une faillite retentissante, trahi par un de ses proches. Lui-même, à son tour, s’était associé pendant des années à un ami italien avec qui tout se passait parfaitement bien jusqu’à ce qu’il découvre les détournements financiers de son partenaire dont le prénom était « Zudas » : Judas en français ! Cet « ami » qui bénéficiait de toute sa confiance l’avait pillé tranquillement pendant des années jusqu’à le conduire à la faillite. Si on dépasse un peu le cadre de la répétition de l’histoire traumatique familiale, ne peut-on pas considérer que jusque-là, tout était bien ! Puisque c’est grâce à ce Judas que Philippe a pu se reconfronter à sa problématique familiale non soldée ! Tout comme c’est grâce à Judas que Jésus put accomplir la partie pénible de ce pourquoi il était là.

En tout cas, pour Philippe, si se montrer en colère contre « Zudas » peut s’avérer libérateur au début, rester bloqué dans cette colère l’empêcherait de grandir et d’avancer…

L’héritage donne lieu à un partage totalement inégal, voire l’exclusion totale d’un ou de plusieurs membres de la fratrie

C’est une chose qui arrive fréquemment dans les familles. Les successions constituent très souvent le révélateur de secrets de famille (secrets de filiation assez fréquents) et des projections des sentiments amoureux. A ce titre, étudiées à la loupe de l’inconscient familial, elles peuvent agir comme un révélateur des problématiques figées et nous en dire long sur le chemin à parcourir, les souffrances à guérir, afin que la source d’argent coule de nouveau sans entrave… Un enfant peut ainsi être exclu du partage (je pense à des cas où malgré un héritage considérable et des fratries restreintes, un héritier a pu se trouver totalement exclu du partage) s’il s’agit d’un enfant illégitime, ou si le père s’est simplement persuadé par « erreur » (j’entends par erreur : un décalage trop important entre son conscient et son inconscient) qu’il n’est pas de lui. Mais l’inverse peut exister aussi… Par exemple, dans le cas d’une fille-mère qui a dû par la suite se marier avec un homme qu’elle n’a jamais aimé et avec qui elle a « fabriqué » les enfants du devoir. Cette femme, devenue veuve, peut largement favoriser son premier enfant « illégitime ». On comprend que dans ce genre d’histoires, l’amour, le non-amour, la légitimité, l’illégitimité, les secrets de filiation, les différences de projection sont les maîtres mots du jeu délicat et parfois sournois qui se joue et qui ressort parfois lors de l’héritage. En dépit des souffrances congelées qui referont inévitablement surface, ce peut-être l’occasion de tirer un trait positif sur le passé, en faisant la paix avec lui, pour s’engager vers un nouveau départ équitable et décomplexé…

Dans ce type de problématique, la solution passe par un long travail conduisant à la clarification des places et des rôles au sein de la fratrie. Les souffrances doivent pouvoir s’exprimer enfin pour parvenir à mettre fin à toutes les formes de ressentiments et de culpabilités.

L’héritage est bloqué à la suite d’un traumatisme toujours actif

Un deuil n’a pas été fait, une souffrance trop importante n’a pas pu être digérée. Elle se congèle dans l’esprit d’un membre du clan ou du clan lui-même et finit du coup par l’emporter jusqu’à envahir le cerveau de la personne ou des personnes concernées (et faire tâche d’huile dans le cerveau inconscient de la ou des personnes considérées). Exemple : une femme est abandonnée par son mari qui disparait sans donner d’adresse. Il laisse 7 enfants dont 2 en bas-âge. La colère et la souffrance se répandent dans la fratrie. Les deux derniers enfants font lien fusionnel avec la mère (l’un d’eux deviendra homosexuel, une manière de ne pas pouvoir commettre l’irréparable de son père et peut-être de se tenir du côté des femmes). Lorsque la mère décède, le deuil pour ces deux-là ne se fait pas. Mathias (prénom de la trahison), l’un d’entre eux décide de s’installer dans la maison familiale. Gardant dans ses cellules, la souffrance intacte de toute cette dramatique histoire, il reste collé à sa vie d’avant. Les aînés, moins touchés, avancent dans leur vie. Ils souhaiteraient vendre la maison et tourner la page. Mais pour Mathias, pas question, il faut rester là à tout prix au contact de sa souffrance congelée, de cette vie passée. Impossible d’y renoncer. Ses frères et sœurs, eux-mêmes marqués par cette page traumatisante de leur histoire, ne savent comment lui faire entendre raison. Du coup, tout reste figé. L’héritage est bloqué et l’énergie ne circule pas… La clef réside dans la capacité des uns et des autres à réaliser enfin le deuil de ce drame pour passer à autre chose. Parfois, si l’un des membres d’une telle fratrie parvient à comprendre l’enjeu et à avancer dans l’allègement de son chemin personnel, cela peut permettre de débloquer la situation comme dans un jeu de dominos. Parfois, ça ne suffit pas et le blocage de l’un des membres d’une fratrie entrainera tout le monde dans la stagnation. Il n’y a pas de règles !

Une chose est sûre, la solution pour que l’héritage puisse s’opérer sera difficile. Elle nécessitera pour l’un des membres de la fratrie, au moins, de glisser ses mains dans toute cette souffrance passée, de revisiter les ressentis douloureux d’autrefois afin de pouvoir poser par la suite sur les bas-côtés de sa propre destinée !

Pourquoi est-il donné à certains plutôt qu’à d’autres la capacité de comprendre et de faire mieux (en partie au moins) que leurs prédécesseurs ? Personnellement, lorsque nous obtenons la possibilité d’éclairer le sens profond de nos destinées, je le vois comme un cadeau de ces mêmes prédécesseurs et j’aurais tendance à préférer que nos vies aient un sens plutôt que non.

En espérant que ces quelques lignes aient pu vous éclairer.

L'auteur

Emmanuel Ratouis

Emmanuel Ratouis

Analyste transgénérationnel

J'ai connu plusieurs vies, plusieurs métiers. D'abord dans le conseil aux entreprises à Paris, puis guide de haute montagne à Chamonix. Mes interrogations sur l'origine de mes prises de risques au cours d'expéditions lointaines en escalade et en ski-extrême ont entraîné un nouveau changement de direction. Ce cheminement dans lequel la psychogénéalogie et l'étiomédecine ont joué un rôle majeur m'a procuré dans un premier temps l'apaisement, Ensuite, il m'a conduit à devenir thérapeute moi-même.