Un article de Laurence Gauvin publié le 27 octobre 2017

L’astrologie est un outil de connaissance de soi, d’exploration du monde intérieur. Le thème de notre naissance représente la carte de notre géographie psychique indiquant la nature des mémoires que nous portons inconsciemment. Certains diront qu’il s’agit d’un passé karmique lié aux vies antérieures, d’autres parleront d’un passé transgénérationnel. L’un n’excluant d’ailleurs pas l’autre.

L’astrologie n’est pas une thérapie mais permet de rendre conscient ce qui est en jeu dans notre destinée. La question du libre-arbitre dépend de notre vision du monde: nous sommes libres d’accomplir notre destin, de rendre visible, tangible, ce que l’univers a déposé en nous au moment de notre naissance. L’intérêt de l’astrologie n’est pas de tricher avec le destin mais d’apprendre à l’accomplir. Autrefois on attachait une grande importance à commencer quelque chose à un moment précis : à l’heure juste, au moment juste car chaque chose qui commence se développe selon la qualité du temps qui l’a vu naître. C’était le rôle des prêtres qui regardaient le ciel ou le vol des oiseaux ou les viscères des animaux sacrifiés. Le mot « horoscope » vient d’ailleurs de hora-l’heure et skopein-regarder.

En réalité les astres n’influencent pas: l’Homme porte son horoscope dans ses cellules car le Tout se retrouve toujours dans chacune de ses parties, de même qu’on trouve la plante dans la graine. La nature du Vivant est un paradoxe : nous sommes entièrement libres et en même temps entièrement déterminés, prédestinés et c’est dans cette confrontation d’ombre et de lumière que l’on peut cheminer ; entre ce qui retient et ce qui délivre. Hildegarde de Bingen, grande figure du XIIème siècle, parle du flanc que Dieu a laissé ouvert en l’Homme, blessure originelle bien sûr mais ouverture.

«Cette ouverture est pour Hildegarde le signe de l’amour que Dieu porte à sa créature en la créant libre (…) Dieu nous a laissé inachevés. Il n’a pas tracé pour nous comme il l’a fait pour les autres créatures le périple exact de nos migrations, il n’a pas dessiné nos routes à l’avance, n’a pas scellé la chaîne de nos actes. Il nous a laissé le flanc ouvert, libre de fuir, de trahir, de tourner le dos ou d’avancer à sa rencontre, libre de choisir l’ombre ou d’aller vers la lumière. La dignité concédée à l’Homme est la possibilité du choix.» -Christiane Singer : « Du bon usage des crises »-.

Pour faire le lien entre l’astrologie et l’analyse transgénérationnelle, c’est-à-dire trouver la trace agissante de notre pré-histoire dans le thème astral, la figure de Saturne s’impose. Il n’est pas le seul marqueur du passé dans notre thème mais il représente un temps suspendu, celui des répétitions ancestrales, en nous obligeant, là où il se trouve, à entrer en responsabilité pour aller vers notre présence au présent. Il est appelé le Gardien du Seuil car il est le lieu du passage à un espace intérieur, là où peut se déployer la liberté de l’Etre et amener au sacré. Il est le lieu du sevrage, de la transmutation du plomb en or. Saturne, dieu du temps et de la maturité, a un double visage : il contraint, frustre, dévalorise, inhibe, culpabilise, interdit, fait ressentir le manque, la souffrance, la peur, le froid. Sublimé, il devient la solidité, la responsabilité, le soutien, l’appui, la maîtrise, l’élévation, la sagesse. Du chemin de croix, il en fait un chemin de croissance pour celui qui ouvre la porte de son intériorité en acceptant d’épouser la partie obscure de sa transmission.

Saturne est en lien avec l’inconscient familial où il y a eu des blessures. Il marque le lieu d’une interruption traumatique dans le mouvement du vivant de nos ancêtres. Le mouvement de la maman qui veut prendre son enfant dans ses bras mais l’enfant est déjà mort. Le mouvement d’aller vers un être que l’on aime mais c’est un amour impossible. Le mouvement d’aller vers ses idées politiques ou religieuses mais ça a été empêché. Cette empreinte douloureuse inscrite dans la profondeur de notre mémoire va engourdir les qualités du signe astrologique dans lequel va se trouver Saturne comme une pierre obstruant la source de vie.

Là où se situe Saturne dans le thème, il y a une exigence de profondeur nous obligeant à traverser le poids des douleurs les yeux ouverts pour lentement accéder à la clarté et à la légèreté de la conscience. Si cette alchimie ne se fait pas, alors il enfermera l’être dans sa blessure, le cristallisera et le destin se fera plus lourd: « Ce qu’on ne veut pas savoir de soi-même finit par arriver de l’extérieur comme un destin » disait Jung.
Saturne en signes de Feu (bélier, lion et sagittaire) représentant la fonction intuition, va toucher à la notion d’identité, d’élan, de spontanéité, de différenciation en lien avec une généalogie marquée par de la violence ou des problèmes d’identité.
En signes de Terre (taureau, vierge et capricorne) qui correspond à la fonction sensation, Saturne révèlera de l’insécurité tant sur le plan matériel que dans le rapport au corps. La peur de manquer. Il sera alors intéressant de se questionner sur l’enracinement, l’ancrage, le système de valeurs dans l’arbre généalogique. Saturne dans les signes d’Air (gémeaux, balance et verseau) correspondant à la fonction pensée, indiquera peut-être un interdit de dire ce que l’on pense en lien avec le non-dit de l’histoire familiale, altérant la liberté d’opinion, de mouvement, la capacité à poser des questions, les capacités relationnelles.
Enfin, Saturne en signes d’Eau (cancer, scorpion et poissons) en lien avec la fonction sentiment, va suggérer une retenue émotionnelle avec l’interdit d’être sensible, de s’écouter, de prendre soin de soi. Les non-dits porteront sur l’expression des sentiments.

Alors que les douze signes du Zodiaque décrivent un fond psychique, les douze maisons astrologiques vont préciser dans quel secteur de vie les planètes vont être actives. Ainsi, Saturne en maison dira de quelle manière l’individu s’y confrontera dans sa vie. Certaines maisons sont en lien avec la dimension transgénérationnelle, avec la mémoire profonde. L’enfance et le type de relation vécu dans le foyer ; le langage, le mythe familial dans la maison IV. Les deuils, les pertes qui n’ont pas trouvé de sens, des souffrances qui n’ont pas été parlées et qui retiennent l’énergie du descendant avec la maison VIII qui est donc le lieu des blessures non cicatrisées de l’arbre. Et enfin, lieu de mémoire ancestrale dans sa globalité, en lien avec ce qui s’est perdu au fil des générations, la maison XII représente les attentes de l’arbre généalogiques sur le descendant, le projet sens, qu’il pourra ressentir comme une contrainte inconsciente.

Un autre indice du passé généalogique se retrouvera dans un axe nommé l’axe des nœuds lunaires, véritable colonne vertébrale du thème. D’un côté nous trouvons le nœud sud correspondant aux racines de notre passé familial et à l’ombre ancestrale (le karma). C’est un lieu d’acquis comportant les qualités et/ou les défauts du signe où il se trouve. En face, dans le signe opposé se trouvera le nœud nord, lieu de notre évolution, de notre chemin de vie et du devenir de l’arbre généalogique (le dharma, qui signifie en sanskrit, le but de la vie). C’est grâce à cet axe que l’astrologie permet de nous orienter dans notre destinée.Par exemple, les nœuds de la lune dans l’axe relationnel bélier-balance traduit ceci ; si le nœud sud est en bélier il révèle un vécu de violence où il a été nécessaire de se battre pour survivre. L’instinct animal, l’instinct de survie sont forts et peuvent rendre agressif. L’évolution vers le nœud nord en balance demande de tenir compte de l’identité de l’autre, d’apprendre à faire confiance aux autres, d’initier le dialogue, de développer le sens du beau, d’apprendre à partager. A l’inverse, le nœud sud en balance révèle un vécu de dépendance. La personne en garde un tempérament influençable et il lui faudra développer le sens de la combativité, de l’initiative et de l’affirmation de soi.

Il sera important de voir les liens entre cet axe lunaire et saturne pour nous situer dans notre rapport au passé familial : si saturne est en aspect dissonant avec l’axe des nœuds alors il sera nécessaire de rompre avec les croyances du système familial. Par contre, si Saturne est en aspect harmonieux avec cet axe, cela voudra dire que les croyances, les traditions familiales ne constitueront pas une entrave dans l’évolution du descendant.

Autres marqueurs transgénérationnels, les planètes dites rétrogrades. Ces planètes sont chargées d’une mémoire ancestrale qui les empêche d’accéder à leur fluidité, à leur lumière. L’ombre familial peut se retourner contre les objectifs de la personne qui pourra subir des répétitions d’échecs, des blocages. L’énergie de la planète est sclérosée, vécue souvent dans la régression et cela demandera un travail sur soi pour se défaire de ces entraves. Par exemple, Mercure rétrograde porte l’énergie du non-dit ou d’un mensonge. Il y aura alors la peur des mots ou la peur du silence. Il pourra y avoir une difficulté à apprendre avec le sentiment de ne pas avoir le droit d’être écouté. L’enjeu sera alors de réviser sa manière de penser, de communiquer et cela impliquera une réorientation de la vision pour quitter ses aprioris. Avec mercure rétrograde, la personne ne peut pas rester en surface. S’il s’agit de Vénus rétrograde, la personne aura à s’interroger sur la valeur de l’amour. La planète est ici chargée de sentiments négatifs non dits comme le ressentiment, le dégoût ou la répulsion et empêchera d’aimer. La personne ne croira pas en la gratuité de l‘amour et aura à retrouver la lumière de Vénus, c’est-à-dire, le don. Saturne rétrograde révèlera un vécu d’abandon. Il y a un vide par rapport à l’image du père, une absence de tuteur, de construction intérieure. Dans cette absence de reconnaissance, le natif est souvent rigide, prisonnier d’un surmoi sévère. Il aura alors à se structurer seul en prenant appui sur d’autres modèles (idéologique, philosophique le plus souvent), à développer son sens de l’humour et à devenir plus profond. Le natif aura alors la possibilité de réformer le tissu familial en faisant sortir l’ombre car il se sera confronté à ses plus grandes peurs et inquiétudes identifiées par le signe où se trouve Saturne.

Cet itinéraire sur les traces de notre inconscient familial à travers le thème astrologique est ici très sommaire. Il ne pouvait que difficilement en être autrement. L’astrologie est un langage symbolique et tous les éléments qui composent ce langage (planètes, signes, maisons, aspects entre les planètes, nœuds lunaires…) sont en interaction et rendent l’interprétation du thème complexe, avec plusieurs niveaux de lecture possible. Rien ne nous informera sur la façon dont une personne vit son thème, puisque c’est là qu’est notre liberté: restera t- elle enfermée dans sa blessure ou s’ouvrira t-elle à la transformation et à la leçon qui lui était demandée? Nous sommes bien tous confrontés à ce choix: choisir la vie en prolongeant le Vivant de nos ancêtres ; comme le dit François Vigouroux, « en reprenant l’expérience à l’endroit où elle a été interrompue (…) pour achever de naître » ou alors, faute d’avoir pris ce risque, rester dans l’indifférencié du corps familial et parfois jusqu’au désespoir de n’avoir pas su devenir nous même.

L'auteur

Laurence Gauvin

Laurence Gauvin

Psychogénéalogiste, Analyse transgénérationnelle