Article pubié le 07 juillet 2012

Porter un secret de famille ne détermine pas forcément le blocage des capacités d'expression du sujet.

La matière même du secret peut devenir l'objet d'une curiosité créatrice.

Le dessinateur Hergé a, selon Serge Tisseron, bâti l'ensemble de sa série des Tintin sur la transposition du destin de sa grand-mère paternelle. Cette dernière, en effet, domestique dans un « château », avait eu deux fils de père « inconnu » avant d'épouser un ouvrier nommé Remi (Hergé est le pseudonyme de Georges Remi).

Ses deux fils, dont le père d'Hergé, furent élevés chez une « riche comtesse ». Ils ne connurent jamais le nom de leur géniteur, Ainsi, le jeune Hergé eut toute latitude pour imaginer qu'il descendait d'un personnage mystérieux, important peut-être.

Dans sa jeunesse, il se passionna pour la lecture de Sans famille , d'Hector Malot (1830-1907), l'histoire d'un garçon d'origine noble prénommé Rémi enlevé à ses parents et recueilli par des gens pauvres.

On en trouve la projection dans les personnages d'Hergé : Rémi, c'est Tintin, le capitaine Haddock, c'est Capi, le chien fidèle de Rémi. Moulinsart, c'est le château des ancêtres de Rémi. C'est aussi celui où la grand-mère d'Hergé fauta... La Castafiore ? Une sorte de « riche comtesse » qui, sur scène, incarne Marguerite. Dans le Faust de Charles Gounod, Marguerite est une fille-mère séduite par un noble... Les Dupond/t ? De faux jumeaux, incapables de trouver ce qu'ils cherchent, comme le père et l'oncle d'Hergé, qui n'ont jamais réussi à connaître leur origine. Face au défi du secret, Haddock boit, les Dupond/t tournent en rond, Tournesol s'enferme dans sa surdité et Tintin, lui, continue de chercher... Tintin, c'est Hergé bien sûr, trouvant dans la lecture de Sans famille une réponse possible à ses inquiétudes généalogiques.

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