Un article de Pierre RAMAUT publié le 04 novembre 2025

Choisir son praticien ou son école, c'est un peu comme choisir un guide pour une exploration en terrain inconnu. La compétence technique est importante mais la véritable garantie de sécurité réside dans la connaissance que le guide a de ses propres failles et de son propre chemin.

Introduction

Vous cherchez un accompagnement en psychogénéalogie, en (psych)analyse transgénérationnelle ou une formation sérieuse? Face à une offre à la fois riche et parfois confuse, il est nécessaire de disposer de repères fiables pour faire un choix éclairé et éviter les dérives. Geneasens n’a ni la vocation ni la prétention de se poser en arbitre, en policier des pratiques ou en censeur des écoles. Il ne s’agit pas de juger, de labelliser ou d’exclure mais d’assumer une responsabilité de clarté et de cohérence éthique vis-à-vis du public. Comme elle propose un annuaire de professionnels et un agenda comprenant notemment des formations et des ateliers, Geneasens reconnaît qu’il lui revient d’offrir des repères pour aider chacun à s’orienter dans un champ aussi sensible que celui de la psychogénéalogie et de l’analyse transgénérationnelle.

Cet article s’inscrit dans cette mission: promouvoir une pratique rigoureuse, humaine et consciente des enjeux symboliques de la transmission; pas pour tracer des frontières mais pour ouvrir un espace de discernement et de réflexion partagée, fondé sur la connaissance de soi et la responsabilité.

Il ne s’agit pas d’exclure mais d’inviter chacun — praticien, formateur ou étudiant — à se poser les bonnes questions:

  • Quelle est ma légitimité à occuper cette place?
  • D’où je parle et à partir de quelle expérience vécue?
  • Quelle posture j’adopte face à l’autre et avec quelle responsabilité symbolique dans la parole que je transmets?

Pour celles et ceux qui envisagent d’entreprendre une démarche en psychogénéalogie ou en analyse transgénérationnelle, d’autres questions s’imposent:

  • À qui vais-je confier mon histoire familiale?
  • Quelle formation, quelle expérience et quelle éthique soutiennent la parole de ce praticien?
  • Est-ce que je me sens en sécurité, respecté et libre dans cet espace d’écoute?
  • Est-ce que je sens que cette démarche m’invite à penser par moi-même plutôt qu’à croire?

Un succès considérable et une profusion d'offres

Depuis quelques années, la psychogénéalogie connaît un succès considérable. Les offres de stages, d’ateliers et de formations se multiplient, parfois sans cadre clair ni exigence d’analyse personnelle.

Cette situation fait écho aux mises en garde d’Anne Ancelin Schützenberger, pionnière du champ, qui dénonçait déjà « les imposteurs qui se disent psychogénéalogistes, ne vérifient pas les hypothèses qu’ils avancent et profitent du succès de la méthode » (Aïe, mes aïeux !, page 266).

Dans « Les illusions de la psychogénéalogie », Nicolas Gaillard souligne également qu' « il demeure particulièrement difficile de faire la distinction entre bonne et mauvaise pratique » (page 86) et qu' « il faudrait être vigilant aux individus qui se croient compétents et ne le sont pas » (page 84). Comme le rappelle Serge Hefez, cité dans ce même ouvrage, « ce n’est pas la psychogénéalogie en tant que telle qui peut poser problème mais la manière dont elle peut être utilisée » (page 87).

Ces avertissements invitent à interroger les conditions éthiques de la pratique et la responsabilité de ceux qui s’en réclament.

Clarifier les mots pour clarifier la posture

La psychogénéalogie désigne un ensemble d’outils, dont le génosociogramme, permettant de visualiser, repérer et penser les répétitions, les loyautés et les transmissions inconscientes dans la lignée.

L’analyse ou psychanalyse transgénérationnelle relèvent d’un travail clinique plus profond: comprendre comment l’inconscient familial agit dans la psyché du sujet, à travers le transfert, le contre-transfert et les processus de symbolisation.

Le génosociogramme n’est pas une boule de cristal! C’est un support de réflexion et pas un instrument de prédiction. Mal utilisé, il devient un écran projectif où se déposent les fantasmes du praticien lui-même. Bien utilisé, il devient un outil de mise en sens et de libération symbolique.

Deux inconscients à articuler: biographique et transgénérationnel

Pour comprendre la profondeur d’un être humain, il faut distinguer deux dimensions:

  • l’inconscient biographique, formé des refoulements issus de la vie personnelle: traumatismes, désirs, conflits, souvenirs refoulés;
  • l’inconscient transgénérationnel, constitué des traces héritées des générations précédentes: secrets, pertes, hontes, dettes, loyautés invisibles, mandats de réparation.

Ces deux registres s’entrecroisent. Chez l’enfant, l’inconscient transgénérationnel domine souvent: son psychisme, encore jeune, est davantage le produit des héritages reçus que de ses propres expériences. Chez l’adulte, les deux se conjuguent: ses traumatismes personnels s’articulent à ceux hérités de la lignée.

Une thérapie exclusivement centrée sur le transgénérationnel — sans travail biographique — demeure partielle. Elle risque de simplifier à l’excès les dynamiques en attribuant à l’ancêtre ce qui relève du vécu personnel du patient.

L'analyse personnelle du praticien est un pré-requis non négociable

Travailler sur l’inconscient d’autrui sans avoir exploré le sien expose à des risques majeurs : contre-transfert inapproprié, projections personnelles, suggestion involontaire.

Le génosociogramme, outil projectif par excellence, peut devenir un miroir déformant où se reflète l’impensé du thérapeute. L’analyse personnelle, à la fois biographique et transgénérationnelle, n’est donc pas un « plus » mais un passage obligé. Elle est le seul garde-fou contre l'« imposteur malgré lui » dont parlait Schützenberger.

Le savoir universitaire ne soigne pas une névrose

Beaucoup pensent qu’un diplôme, une formation ou des lectures approfondies suffisent à faire d’eux de bons praticiens mais, comme le rappelait Jacques Lacan dans son Séminaire XVII – L’Envers de la psychanalyse (1969-1970), le « savoir intellectuel » forme l’intellect, sans toujours ouvrir à l’expérience du désir ni à la rencontre avec soi-même.

Lacan expliquait que ce savoir « parle sur le sujet mais pas avec lui ». Autrement dit, on peut étudier Freud, Jung, Dolto, Abraham et Torök, Dumas, Clavier et toute la littérature psychanalytique ou transgénérationnelle du monde, suivre les cours les plus exigeants et pourtant n’avoir jamais rencontré son inconscient.

La névrose — cette manière de répéter inconsciemment ses conflits ou hétitages — ne disparaît pas par accumulation de savoirs; elle se résout par une expérience vécue, où la connaissance laisse place à la découverte de soi.

L’analyste ne s’autorise que de lui-même ... et de quelques autres

« Le psychanalyste ne s’autorise que de lui-même. » écrit Jacques Lacan en 1967 (Proposition du 9 octobre 1967 sur le psychanalyste de l’École, Autres Écrits, Seuil). Quelques années plus tard, il nuancera: « L’être sexué ne s’autorise que de lui-même… et de quelques autres » (Séminaire XXI, Les non-dupes errent, 1974)

Cette nuance est essentielle: nul ne s’autorise seul. L’analyste, ou tout praticien travaillant avec l’inconscient, s’appuie sur sa propre traversée mais reste relié à une chaîne symbolique: supervision, échanges entre pairs, appartenance à une communauté de pensée. Les “quelques autres”, ce sont ces regards extérieurs qui maintiennent l’humilité et préviennent l’auto-proclamation.

Une pratique analytique — biographique ou transgénérationnelle — ne peut donc exister que dans cette double fidélité: fidélité à soi-même (par la traversée personnelle de l’inconscient) et fidélité aux autres (par le dialogue, la supervision et la formation continue).

L’indépendance n’est pas la solitude: elle s’enracine dans le dialogue. L’inconscient n’appartient jamais à un seul.

Critères pour choisir un praticien ou une école

Pour un praticien

  • Avoir mené une analyse personnelle (biographique et transgénérationnelle);
  • Être en supervision régulière (individuelle ou de groupe);
  • S’appuyer sur un cadre théorique clair et identifiable;
  • Pratiquer la prudence interprétative et la vérification des faits;
  • Respecter une charte éthique: neutralité, confidentialité, non-emprise;
  • Définir ses limites professionnelles;
  • Pouvoir rendre compte de sa formation et de ses superviseurs.

Pour une école

  • Exigner une analyse personnelle tout au long de la formation;
  • Prévoir un volume minimum de supervision;
  • Mettre en place une évaluation clinique structurée (vignettes, mémoire, soutenance);
  • Intégrer la pluridisciplinarité (psychanalyse, thérapie familiale, sociologie, neurosciences, ...);
  • Disposer d'une charte éthique et de procédures de recours;
  • Soumettre ses pratiques à un audit de pairs;
  • Garantir la transparence sur le programme, les intervenants et les critères de certification.

Une éthique de la transmission

Travailler sur les héritages familiaux c’est manipuler une matière sensible: la mémoire, le secret, la honte, la dette, l’amour, la filiation. Aucune pratique transgénérationnelle ne peut être neutre sans un profond travail sur soi. On ne peut éclairer l’arbre d’autrui sans avoir visité ses propres racines.

La véritable compétence en psychogénéalogie ne se mesure pas au nombre de diplômes ou de stages suivis mais à la qualité de l’engagement personnel, à la responsabilité éthique et à la rigueur clinique de celui qui accompagne.

Références

  • Ancelin-Schützenberger, A. Aïe, mes aïeux!, Desclée de Brouwer, 1993.
  • Gaillard, N. Les illusions de la psychogénéalogie, Mardaga, 2022.
  • Lacan, J. Le Séminaire XVII – L’Envers de la psychanalyse, Seuil, 1991.
  • Lacan, J. Autres Écrits, Seuil, 2001.
  • Lacan, J. Proposition du 9 octobre 1967 sur le psychanalyste de l’École, in Autres Écrits, Seuil, 2001.
  • Lacan, J. Séminaire XXI – Les non-dupes errent, 1974 (inédit).
  • Balmès, F. Les quatre discours et la place du sujet, La Cause freudienne, n° 30, 1995.

L'auteur

Pierre RAMAUT

Pierre RAMAUT

Psychanalyste & psychanalyste transgénérationnel

Psychanalyste, psychanalyste transgénérationnel et sophrologue. Créateur de plusieurs outils innovants dans le champ de la santé mentale et du développement personnel : Généasens, Commemoria et Waystobe. Créateur et accompagnateur de « Marcher pour progresser » et d’un cycle de découverte du chamanisme mondial en lien avec le transgénérationnel : « Découvertes en terres chamanes ».