Un témoignage de Fabienne Kostrezwa publié le 28 juillet 2021

Dans cet interview de Pierre Ramaut que j'ai réalisée, celui nous explique comment il a découvert intuitivement l’existence du transgénérationnel et les différentes étapes qui l'ont amenés à créer l'application Commemoria.

Pierre, comment avez-vous découvert l’analyse transgénérationnelle ?

Cette découverte s’est faite de manière tout à fait intuitive et grâce à ma fille Sarah. A cette époque, je poursuivais une analyse lacanienne depuis plusieurs années et j’assistais régulièrement aux cours et séminaires de l’Ecole de la Cause Freudienne à Bruxelles et à Lille, lorsque ma fille m’a demandé d’acquérir un ordinateur qui s’avérait indispensable pour sa scolarité. Jusque-là, je ne me servais pas de l’informatique et cet ordinateur est donc resté inutilisé, hormis par ma fille, sur mon bureau pendant plusieurs semaines, avant que je ne me décide vraiment à m’y intéresser.

Mes premiers balbutiements avec ce nouvel outil m’ont immédiatement donné envie de scanner des photos de famille. Je dois préciser que j’ai toujours été un passionné de photographie et qu’initialement, je désirais même en faire ma profession.

J’ai donc commencé par agrandir des photos de groupes et à isoler quelques portraits afin qu’ils occupent toute la surface de l’écran et que je puisse mieux observer les détails vestimentaires et la physionomie de chaque personnage. C’est alors que je me suis retrouvé face à des personnages qu’il m'était impossible d'identifier et qui à travers la luminescence si particulière de l’écran de l’ordinateur semblaient remonter du passé en me fixant avec insistance. J’éprouvais alors un curieux « sentiment d’étrangeté » lié à une sorte de collision temporelle qui me mettait en présence et en relation avec des personnes d'un autre temps.

Le sentiment d’étrangeté dont parle Freud est un trouble qui nous envahit lorsque nous éprouvons un ressenti étonnant et inhabituel face à une situation à priori normale. Il peut par exemple s’agir d’avoir l’impression d'éprouver le monde et l'environnement familier comme distant, surprenant, voire bizarre, quelque chose donne m’impression de venir d‘ailleurs de s’imposer au sujet et de le dépasser. Parmi les situations susceptibles de provoquer ce sentiment « d’inquiétante étrangeté » Freud cite notamment « l’apparition d’un revenant, d’un spectre et la manifestation de la crainte de la mort »

Ce face à face avec ces inconnus, que je savais pourtant être mes aïeux, a été de toute évidence le déclencheur, qui m’a orienté très intuitivement vers la psychogénéalogie et le champ du transgénérationnel dont j’ignorais totalement l’existence et les concepts à cette époque malgré mon vif intérêt pour la psychanalyse.

Qu’avez-vous fait pour identifier ces personnes ?

J’ai d’abord posé des questions à mes parents et ensuite organisé des réunions informelles avec d’autres membres de ma famille pour tenter de percer le mystère de ces photos. C’est alors que j’ai pu constater un phénomène « cathartique » fort intéressant, à savoir un retour d’informations, une remémoration affective et une libération de la parole par le biais des échanges entre mes parents et les autres membres de ma famille, face à ces photos ravivées par les logiciels et déployées en plein écran.

Par ailleurs, à l’époque, j'avais créé avec un collègue un des tout premier service de sophrologie en milieu hospitalier au CHU Ambroise Paré à Mons. Ma rencontre quotidienne avec des patients dans ce cadre, ainsi que l’expérience de ma propre cure psychanalytique m’ont amené à l’hypothèse qu’il y avait peut-être une exploitation clinique possible et intéressante en utilisant ces photos remaniées et restaurées par l’informatique. J’en voulais pour preuve les effets que produisait sur ma parenté et sur moi-même l’exploitation de nos clichés familiaux.

C’est ainsi que, toujours aussi intuitivement et surtout sans rien connaître à l’informatique, j’ai commencé à imaginer un futur outil, qui au départ d’une arborescence généalogique, permettrait d’utiliser les photos de familles retravaillées et remises en scène, afin de revisiter et de reconstruire émotionnellement le parcours de vie des ancêtres.

N'ayant, de toute évidence, pas le sens du marketing, j’ai temporairement baptisé cette maquette logicielle « Le Généalogiciel Inter et Transgénérationnel Multimedia ».

Parmi toutes ces photos de famille, laquelle a produit sur vous l’effet le plus déterminant ?

Assurément celle de mon grand-père paternel, Gustave, sur son vélo de course.

Afin de pouvoir me (re)construire une image mentale et émotionnelle de certaines bribes de la vie de mes ascendants, j’ai commencé à créer des petits montages vidéo avec des commentaires et des musiques qui associaient à la fois des photos de famille, mais aussi d’autres images n’étant donc pas issues de l’iconographie de ma famille, mais qui, mises en relation permettaient de compléter, d’illustrer et surtout de contextualiser les différents récits. La contextualisation permet de situer les personnages concernés dans leur temps et dans leur espace (valeurs religieuses, politiques, sociologiques de son milieu et de son époque, lieux de vie, type d’habitat, travail, loisirs, etc.…). Ces informations permettent de se construire une « image mentale » de la biographie des personnages et de la mettre en relation avec l’ensemble des autres personnages de l’ arbre.

C’est à cette occasion que j’ai retrouvé une cassette, enregistrée lors d’un repas de famille, dans laquelle mon grand-père Gustave racontait une course cycliste à laquelle il avait participé, à la fin des années 20 ou au début des années 30, autour d’un site minier, à Flénu en Belgique dans le Borinage.

J’ai alors eu l’idée de créer un montage vidéo à associer à ce récit et la première photo qui s’est imposée à moi pour initier le travail a été celle de mon grand-père en tenue de coureur cycliste sur son vélo de course posant devant un terril de charbon aux côtés de son frère en tenue militaire.

Dans mon roman familial, j’avais entendu dire que la course cycliste sur les pavés de l’époque se faisait sur des vélos très lourds avec des jantes en bois, ce qu’alimentait, par ailleurs, le discours de mon père sur la pauvreté et le manque de moyens de sa famille. Or, à ma grande surprise, je constatais sur la photo que le vélo était de très bonne qualité et bien équipé pour l’époque et que cette image ne correspondait absolument pas à celle qui s’était construite dans mon esprit et qu’elle contrastait totalement avec les propos de mon père.

Je peux donc dire que le début de mon questionnement psychogénéalogique a été éveillé par le constat d’une divergence flagrante entre le réel des informations factuelles fournies par la photo sur la qualité du matériel cycliste de mon grand-père et le discours de mon père sur la représentation psychique qu’il avait du statut économique de sa famille.

Comment le psychanalyste que vous êtes interprète-t-il le rôle de cette photo dans votre parcours vers le transgénérationnel ?

Lorsque j’ai vu cette photo, je ne connaissais pas le transgénérationnel. J’avais suivi une longue analyse lacanienne. Je pratiquais la sophrologie en milieu hospitalier et en privé et j’entamais une pratique de psychanalyste. Mon intérêt pour la photo et le cinéma, lui, était inchangé depuis la fin de mes études secondaires, quand j’avais caressé le projet d’entrer à l’INSAS, une école supérieure des arts du spectacle et des techniques de diffusion et de communication très connue en Belgique. A cette époque, je ne disposais pas des bases requises pour prétendre réussir l’examen d’entrée dans cette école exigeante.

C’est donc le face à face avec mon grand-père paternel par écran d’ordinateur interposé qui a déclenché mon « éveil » au transgénérationnel. J’ai été littéralement happé par l’image, un peu comme si ma vocation initiale m’amenait à m’intéresser à ce domaine par le truchement de la photo de Gustave sur son vélo qui me disait tout autre chose que ce qui m’avait été transmis par les récits familiaux . C’est ce qui d’une certaine manière, sans que je le conscientise vraiment à l’époque, a été le début de ma première enquête psychogénéalogique.

Pour ce qui est de mon idée initiale de me consacrer à la photographie ou au cinéma, ce qui est amusant, c’est que je caresse aujourd’hui le projet de créer un cycle de formation dédié au « cinéma familial transgénérationnel » avec Commemoria et qui s’adresserait à toute personne qui souhaite explorer à travers ses photos de famille et d’autres supports, son histoire familiale intime et singulière tout en en tenant compte des éléments liés au contexte qui ont influencé cette histoire. Ce projet vient, en quelque sorte, boucler la boucle après un long détour indispensable et qui me semble maintenant faire sens.

Quelle a été l’étape suivante ?

Par la suite, j’ai poursuivi l’idée de développer un véritable outil clinique, qui permettrait d’aborder la question de l’influence de la vie de nos ancêtres sur notre existence dans un cadre psychothérapeutique ou psychanalytique.

Je rappelle qu’à cette époque je ne connaissais rien du transgénérationnel et que cette impulsion à créer un outil qui proposerait une synergie entre l’utilisation d’images familiales et des rencontres où les gens revisitent et racontent leur histoire était guidée par mon intuition. A l’aide de logiciels très simples, auxquels je m’étais familiarisé entre-temps, j’ai tout d’abord élaboré une maquette permettant de réaliser des récits avec des photos et des musiques, une sorte de docu-fiction, afin de revisiter certains événements individuels et familiaux. Lors de mes premières expériences avec les membres de ma famille, j’avais constaté que cette mise en scène particulière des photos de famille avait pour effet de créer des situations riches en émotions, propices à faciliter et à fluidifier la parole, invitant à la confrontation des points de vue et faisant parfois vaciller, fissurer et remobiliser des mythes familiaux jusqu’alors immuables.

En dépit du doute que je ressentais à l’égard de la dimension technologique de mon « bricolage informatique », très curieusement en 2000, j’ai éprouvé, une fois de plus, le besoin intuitif de signifier et d’inscrire ma paternité à l’égard de cette réalisation. C’est alors que, sur les conseils d’un ami, j’ai pris contact avec la Chambre Belge des Inventeurs avec l’intention de déposer un copyright sur le concept que j’avais imaginé. A ma grande surprise, mon idée a été très bien reçue et comprise puisque les dirigeants de cette organisation m’ont proposé de financer, via des aides de la Région Wallonne, ma participation au salon international des inventeurs « Brussel’s Eureka 2003 » qui était organisé cette année-là au Heysel à Bruxelles. Je disposais gratuitement d’un stand à mon nom qui m’offrait ainsi l’opportunité de présenter mon « Généalogiciel Inter et Trans Générationnel Multimédia » à un large public international.

Pendant ce salon, a eu lieu un événement qui s’est avéré aussi déterminant que la photo de mon grand-père coureur cycliste pour me mettre, une fois de plus, sur la piste du transgénérationnel. Un grand gaillard au fort accent flamand s’est présenté sur mon stand en me disant : « Bonjour Monsieur Ramaut. Je m’appelle Ramaut aussi et je viens de Flandre. » Voilà comment un parfait inconnu qui portait le même patronyme que moi m’a plongé dans mes racines flamandes que j’ignorais totalement à l’époque. En effet, mon père et mon grand-père avaient toujours affirmé haut et fort qu’ils étaient des Wallons et plus précisément des Borains. Le Borinage est une région minière belge de la Région Wallonne située dans la province de Hainaut, à l'ouest et au sud-ouest de la ville de Mons. On imagine aisément ma surprise ! Ce n’est que bien plus tard pourtant que j’ai réellement entrepris des recherches sur divers sites de généalogie et que j’ai déniché un arbre de ma famille qui me permettait de remonter sur 7 générations et de retrouver mon ancêtre Charles-Louis Ramaut né le 21 mai 1825 à Saint Martens Lierde en Flandre et qui a migré en Wallonie à Quaregnon dans le Borinage pour travailler comme mineur dans un charbonnage, y faire souche et y décéder à l’âge de 38 ans, le 12 décembre 1863 après avoir généré la branche des "Ramaut de Wallonie".

Une question m’a aussitôt taraudé : pourquoi le discours familial clamait-il cette revendication péremptoire d’appartenance à la francophonie en évacuant de la sorte les racines flamandes? Plusieurs signes m’ont incité à poursuivre dans la voie transgénérationnelle: d’une part, à la fin du salon, j’ai remporté une médaille d’argent de Brussel’s Euréka et le prix spécial décerné par la Chambre belge des inventeurs et, d’autre part, j’ai découvert à la même époque le livre sur la psychogénéalogie « Aïe mes aiëux » d’Anne Ancelin Schützenberger.

Comment se passe la suite de votre parcours après ce salon des inventeurs ?

A vrai dire, j’ai eu le sentiment très curieux d’être « convoqué » pour poursuivre cette idée de créer un nouvel outil à mettre au service du « champ psy » mais la véritable finalité du concept et de la tâche ne m’apparaissait pas encore tout à fait clairement.

Tout d’abord, j’ai traversé une période de pause et de tergiversation, subtil mélange d’enthousiasme créatif et de blocage, qui a duré environ six mois pendant lesquels je me demandais à la fois que faire de cette maquette et comment valoriser les deux distinctions reçues à l’issue du salon mais je dois avouer que je portais déjà en moi à cette époque une curieuse croyance qui me faisait penser que les différentes synchronicités qui s’étaient manifestées en lien avec mon projet et les aides inattendues que j’avais reçues étaient des signes dont je devais tenir compte et qui m’indiquaient une direction à suivre même si je ne savais pas encore trop où tout cela allait me conduire.

Et une fois de plus, quelques mois après le salon des inventeurs, c’est encore ce fameux « hasard » qui m’a aiguillé vers une nouvelle ressource pour faire avancer mon projet. Nous nous étions rendus en famille à un salon commercial à Charleroi et ma fille a demandé d’interrompre quelques instants notre visite pour avoir le temps de faire une petite pause aux toilettes. Vu la densité de la foule, afin de ne pas nous perdre de vue, nous avons décidé sa mère et moi de l’accompagner et c’est à l’occasion de ce détour dans une zone du salon que nous n’avions pas, en principe, l’intention de visiter, que mon attention a été attirée par le stand du Centre Européen d’Entreprise et d’Innovation (CEEI) Héraclès, actif dans la création et le développement d’entreprises dans la région de Charleroi.

Comme pour l’achat de son ordinateur, ma fille Sarah, une fois de plus messagère de la synchronicité, venait, à son insu, de nous faire dévier du trajet initialement programmé pour notre visite, pour me faire croiser la route d’un organisme qui proposait, à travers des prospectus mis à la disposition du public, de suivre des porteurs de projets innovants et d’accompagner l’élaboration de dossiers en vue d’obtenir des subsides. Après y avoir présenté mon projet, j’ai obtenu un coaching auprès du Centre Héraclès qui m’a conseillé de poser ma candidature afin d’obtenir une bourse de pré-activité de la Région Wallonne qui permet d’explorer la faisabilité d’un projet sans obligation de résultats, si ce n’est de justifier comment la bourse a été utilisée via des rapports d’activité réguliers.

Qu’avez-vous ressenti après l’obtention de cette bourse ?

En fait, l’obtention de cette bourse a très rapidement généré une angoisse incompréhensible: j’étais lié par un contrat avec des instances officielles sans très bien savoir comment atteindre mon but. La Région wallonne allait m’aider mais aussi me demander de justifier l’utilisation des ressources financières fournies. Cela m’obligeait à m’engager sur un terrain qui était habité, sans que je le sache vraiment à cette époque, par un fantôme familial d’échec entrepreneurial.

En fait, j’ai vécu à ce moment-là, sans en être conscient, un véritable rite de passage avec tout ce qu’il peut comporter de difficile, puisque la première fonction d’un rituel de transformation est de provoquer une rupture et de nous faire sortir de notre zone de confort psychique. Une rupture qui implique non seulement, de se sentir ailleurs, mais aussi de se retrouver hors de l’ordinaire, de faire et de voir les choses autrement et ce afin de renaître dans un nouvel état.

Dans un cadre thérapeutique, les rituels remplacent, dans l'inconscient, un acte qui n'a pu avoir lieu dans la réalité dans le passé de nos ancêtres. Dans mon cas, le fantôme qui provoquait mon angoisse incompréhensible était en fait lié à la tentative, dont j’avais très vaguement entendu parler dans ma famille, d’un aïeul qui avait voulu monter un petit commerce, initiative qui s’est soldée par une perte économique, un échec douloureux et même probablement honteux.

Comment êtes-vous passé à l’action ?

Je me suis mis au boulot et j’ai fourni un travail très conséquent: je devais me confronter au double aspect technologique et entrepreneurial de mon projet. D’une part, je ne suis pas informaticien et je me mettais en danger en raison même de ce manque de compétences et d’autre part, je me voyais dans l’obligation de m’aventurer dans le domaine de l’entreprise qui était totalement inconnu pour moi.

Grâce à l’argent de la bourse, j’ai d’abord acheté et lu tous les ouvrages traitant de psychogénéalogie en langue française. Ce travail m’a permis d’affiner ma connaissance du sujet mais aussi de repérer les auteurs qui étaient les pionniers et les leaders dans le champ de l’analyse transgénérationnelle et à qui j’ai ensuite décidé de m’adresser pour faire valider mon idée de créer un tout premier logiciel spécifique de psychogénéalogie. C’est dans ce contexte que j’ai pris contact avec Anne Ancelin Schützenberger pour lui demander si elle accepterait d’examiner mon projet. En guise de réponse à ma demande, cette dernière m’a suggéré de venir explorer mon histoire familiale sur mon arbre avec elle. Ce que j’ai accepté, tout en me disant, avec une certaine impertinence, que je ne voyais pas très bien à quoi cela allait me servir et ce que pourrait m’amener une telle expérience vu le long travail de psychanalyse que j’avais déjà derrière moi. L’expérience qui a suivi ma rapidement ramené à nettement plus d’humilité !

Comment s’est déroulé votre travail à Paris avec Anne Ancelin Schützenberger ?

Son protocole de travail consistait à travailler trois jours durant et simultanément sur l’arbre (psycho)généalogique de trois personnes. Je dois avouer que j’ai vécu ces trois jours dans un certain inconfort en raison du caractère autoritaire d’Anne Ancelin Schützenberger mais aussi de la dimension impressionnante de son savoir. Toutefois, au bout des trois jours, l’analyse de mon arbre a révélé une chose qu’Anne Ancelin a signifié de façon péremptoire et essentielle pour moi. J’ai vécu son intervention de façon brutale. Moi qui était plutôt habitué au silence (relatif) de mon analyste lacanien, je venais de découvrir une toute autre façon de procéder dans le cadre spécifique de ce travail. Anne Ancelin avait mis des mots précis et crus sur une part de mon « impensé généalogique », une chose autour de laquelle je tournais depuis 10 ans en analyse sans pouvoir la nommer. 

Inutile de préciser que j’ai effectué le trajet du retour vers la Belgique dans un état de totale sidération. Je venais de recevoir un fameux coup de poing dans la figure, moi qui pensais en venant à Paris que je n’y apprendrais rien de très intéressant sur moi. Cette expérience m’a donc aussi permis de comprendre pourquoi certaines analyses, voire la plupart d’entre elles, sont interminables si on n’aborde pas la question des transmissions transgénérationnelles.

Quelles sont les suites de votre entretien avec Anne Ancelin Schützenberger ?

L’utilisation du génosociogramme et la théorie de la psychogénéalogie m’ont permis d’identifier et de comprendre les logiques transgénérationnelles à l’œuvre dans l’origine des souffrances et des symptômes qui résistent parfois à la psychanalyse. Ma brève rencontre avec Anne Ancelin a été décisive pour me faire prendre conscience, qu’à la suite de cette expérience probante sur mon propre cas, je serais dorénavant dans l’obligation, quasiment déontologique, de devoir offrir au plus vite la grille de lecture transgénérationnelle à mes patients et ce dès que des contenus sur leur famille et leurs aïeux seraient évoqués dans leurs associations en séances.

Il était donc alors devenu évident pour moi que psychanalyse et psychanalyse transgénérationnelle faisaient partie d’un tout et qu’il n’y avait pas à choisir entre l’une ou l’autre approche mais qu’il fallait les utiliser synergiquement. Sans néanmoins vouloir l’abandonner tout à fait, cette adaptation du cadre psychanalytique « classique » à un nouveau cadre incluant l’utilisation du génosociogramme, m’a obligé d’être créatif et de mettre en place un protocole personnel permettant de travailler alternativement dans l’une ou l’autre configuration.

Cette prise de liberté qui transgressait le cadre habituel de la psychanalyse était selon moi justifié puisque je venais de constater que sans l’utilisation du génosociogramme, il est impossible à n’importe quel praticien, fût-il le plus doué et le plus attentif du monde, de se faire une représentation mentale d’une histoire familiale et de son organisation sur plusieurs générations. Et cela non pas à cause d’un éventuel manque d’attention du praticien ou de son patient/analysant mais tout simplement parce que le cadre habituel des entretiens en face à face ou sur le divan est quasiment inopérant lorsqu’il s’agit de déployer et d’articuler l’histoire familiale du patient sur un minimum de quatre générations incluant les fratries. Sans une représentation visuelle de la complexité de l’arborescence familiale personne n’y comprend rien!

En quelque sorte, le psychanalyste transgénérationnel associe créativité et impertinence par rapport aux normes classiques de la psychanalyse puisque les deux cadres sont différents mais complémentaires. En conclusion, après ce travail avec Anne Ancelin Schützenberger, j’ai éprouvé un grand besoin de référentiels théoriques complémentaires à ceux de la psychanalyse.

Où avez-vous trouvés ces référentiels théoriques ?

Auprès de Didier Dumas au Jardin d’Idées où j’avais découvert le génosociogramme et en parallèle, je poursuivais ma réflexion sur la création d’un outil multimédia dans le champ de la psychogénéalogie.

L’idée-clé a jailli lors d’un brainstorming avec une société de développeurs informatiques: coupler à l’arborescence classique de l’arbre généalogique une autre représentation de l’histoire d’une famille sous la forme de lignes du temps synchronisées permettant la mise en évidence de la concomitance d’événements par la mise en relation de plusieurs lignes du temps et de faits contextualisés. Par exemple, il est toujours intéressant de se poser la question suivante: au moment de ma naissance et de ma conception, que se passait-il dans la vie de mes parents, de mes grands-parents, des personnes importantes de ma famille, dans la société? Il s’agit d’associer des événements sociaux, politiques, économiques à la date de naissance et/ou de conception et de voir dans quel climat cela s’est joué. Cette procédure est également applicable pour tout autre type d’événement.

Mon objectif était d’utiliser l’émotionnel lié aux photos, aux vidéos, aux musiques et de faire des allers–retours entre le génosociogramme et la ligne du temps biographique. Cette nouvelle lecture de l’arbre conduirait immanquablement à des informations nouvelles qui susciteraient une prise de conscience. C’est ainsi qu’est né le concept de Commemoria dans mon esprit.

Quelle est la spécificité primordiale de Commemoria ?

La spécificité principale de l’application Commemoria est d’offrir la possibilité de transformer chaque case de notre arbre généalogique en une ligne du temps biographique « sensible ». Grâce à l’apport de documents multimédia familiaux ou autres, cette succession d’informations permet de revisiter émotionnellement le parcours de la vie des chacun de nos aïeux et de reconstruire en nous de nouvelles représentations et un autre roman familial plus « sensible ». Il s’agit donc d’une reconstruction quasiment cinématographique où l’imaginaire collabore étroitement avec le factuel pour élaborer, comme le dit très bien le psychologue James Hillman, une « fiction qui soigne ». Chacun de ces récits peut ensuite être synchronisé avec d’autres récits pour croiser des informations générant une autre lecture de l’histoire familiale porteuse de nouvelles significations et génératrice de prises de conscience. Métaphoriquement, c’est un peu comme si chaque case de notre arbre généalogique contenait un film qu’il suffit de déployer et de mettre en relation synchronisée (ce que permet l’application Commemoria) avec d’autres films.

Quels sont les apports de Didier Dumas dans la création de Commemoria ?

Un des apports essentiels de l’enseignement de Didier Dumas, parmi de nombreux autres bien évidemment, a été de mettre en évidence les conséquences douloureuses pour les individus et les famille, liées aux fin de vie mal accompagnées, aux protocoles funéraires bâclés, aux deuils non faits et non clôturés.

Cet réflexion de Didier Dumas m’a donné l’idée de me servir des lignes du temps biographiques pour créer un protocole incluant un continuum d’accompagnements qui pourraient apporter des réponses spécifiques aux problématiques repérées dans notre société et liées à la fin de vie et au processus et travail de deuil. Accompagné par quelques partenaires j’ai mené une réflexion qui nous a permis de repérer et de lister un ensemble de manquements, de souffrances et de dysfonctionnements liés au déni de la mort et à la déréliction des rites et rituels funéraires archétypaux dans notre société.

A la suite de cette réflexion, j’ai co-organisé en 2013 avec le Centre d’Action Laïque de Mons, un colloque sur la mort pendant lequel Commemoria a été présenté pour la première fois et a pu proposer son protocole innovant d’accompagnement de la fin de vie, des funérailles et du deuil basé sur le récit de vie.

Sur le plan de la théorie du transgénérationnel, on peut voir dans cette démarche, une première utilisation prophylactique de Commemoria. En effet, les rituels funéraires dans le monde occidental sont de plus en plus souvent réduits à leur plus simple expression. Dans ce cas, faute d’une possibilité individuelle et collective de symboliser la perte des proches. le processus naturel du deuil peut être parasité et conduire à des deuils gelés qui, dans certains cas, pourront générer des fantômes transgénérationnels et avoir des impacts pathologiques sur la santé mentale des individus et des lignées familiales dans les générations suivantes. Il est donc important de comprendre quels sont les enjeux inter et transgénérationnels qui sont liés à la mort, comment les fantômes transgénérationnels se construisent lorsque le deuil n’est pas possible et pourquoi les rituels funéraires sont toujours aussi indispensables dans notre société. C’est cet enjeu qui m’a conduit à pousser un cri d’alarme en 2020 dans le cadre d’une newsletter de Généasens sur l’impact des mesures sanitaires de confinement lors de la pandémie du Coronavirus sur la conduite des funérailles. Négliger les différentes étapes du deuil, c’est risquer de gommer la mort. Le travail psychologique du deuil ne peut se réaliser que dans le cadre d’une pratique symbolique, étagée et codifiée. Il s’agit d’un processus unique et actif lié d’une part à l’histoire de chacun des participants, et d’autre part à la façon dont ce processus est accompagné. C’est aussi pourquoi avec Monica Justino, psychologue pionnière de la psychogénéalogie au Brésil, nous avons décidé de mettre en place en juillet 2021 un séminaire dédié au deuil et à la découverte de l’utilisation de Commemoria dans ce contexte particulier. Grâce à la ligne du temps biographique, participer à la réalisation collaborative de la biographie du défunt aide les proches à mieux comprendre ce qu'ils vivent et à partager leurs sentiments et émotions avec ceux qui ont côtoyés la personne disparue car refouler ces émotions peut fragiliser leur personnalité dans le futur. Ce travail essentiel de commémoration aide aussi à élaborer l’absence du défunt et peut contribuer à éviter le risque d'apparition de troubles psychologiques qui empêchent de bien vivre résultant d'un décès dont le deuil n’a pas été fait correctement.

Que vous a encore apporté Didier Dumas dans le cheminement de votre réflexion ?

Didier Dumas m’a aussi ouvert la porte vers le chamanisme car il était convaincu que la psychanalyse transgénérationnelle et le chamanisme sont complémentaires. 

Je le cite : 

Le chamanisme considère que l’esprit est indestructible et qu’il survit, d’une façon ou d’une autre, au-delà de la mort.Le chamanisme est donc en mesure d’éclairer et de prolonger la recherche psychanalytique, qui n’a, elle, commencé à considérer l’esprit sous cet angle que depuis une trentaine d’années, puisqu’il dispose d’un savoir qui concerne non seulement la santé des vivants, mais également celle des «ancêtres mal morts » qui, n’ayant pas pu rejoindre «la Grande Lumière», errent comme des fantômes dans les méandres de la psyché planétaire. Et, lorsque cela est nécessaire, il permet d’associer, à l’exploration de son héritage ancestral, une « thérapie post mortem » des ancêtres qui le réclament.

Pour Dumas, les pratiques chamaniques peuvent devenir des ressources thérapeutiques pertinentes lorsque les outils traditionnels utilisés pat les pschogénéalogistes et les analystes transgénérationnels, comme le génosociogramme par exemple, s’avèrent insuffisants pour répondre à la quête des analysants et à la sédation de certains de leurs symptômes. C’est dans ce contexte que j’ai décidé d’explorer le chamanisme, d’abord en observateur, ensuite, en vivant une première expérience de hutte de sudation, grâce à Bruno Clavier qui m’a fait connaître et rencontrer le chef spirituel et medecine man Algonquin Twaminik Rankin. Cette rencontre avec le chef amérindien et son enseignement m’a décidé de lancer un cycle mondial d’exploration du chamanisme avec l’agence de trekking Tamera avec laquelle je collaborais depuis plusieurs années dans le cadre de mon stage « Marcher pour progresser ». Ce cycle a naturellement débuté au Québec avec le chef Twaminik Rankin et s’est poursuivi ensuite en Mongolie, en Indonésie chez les Hommes fleurs Mentawai et en Amazonie équatorienne. Ce cycle exploratoire se poursuit toujours actuellement même s’il a été momentanément interrompu par la pandémie du Coronavirus.

Comment la création de Geneasens s’inscrit-elle dans ce cheminement ?

Lorsque j’ai décidé de fonder Généasens, mon but était de créer un espace qui permettrait de fédérer et d’inviter les différents acteurs du champ transgénérationnel de l’époque à communiquer des informations de qualité sur les différentes approches et théories en cours.

J’ai pu construire des relations cordiales et même souvent franchement amicales avec des écoles et des personnalités parfois en concurrence d’intérêts ou en rivalités de personnalité. Mais l’objectif principal était de diffuser et d’offrir gratuitement au grand public un accès aisé à des contenus rédactionnels de bonne qualité sur le sujet du transgénérationnel au sens large du terme. Ce pari a fonctionné au-delà de mes espérances de l’époque puisque le site a connu, et connaît toujours, un beau succès d’estime avec la publication régulière d’articles originaux et actuellement plus de 4000 abonnés à la newsletter ce qui n’est pas mal pour une micro niche très spécifique.

Comment les auteurs ont-ils réagit à votre appel à contribuer au contenu de Généasens ?

Nathalie Chassériau, l’auteure de l’excellent livre d’initiation à la psychogénéalogie intitulé « La psychogénéalogie » a été la première à répondre avec enthousiasme à mon appel avec un article intitulé "La psychanalyse se meurt? Vive la psychanalyse de l'arbre!. J’avais fait connaissance avec Nathalie Chasseriau dans des circonstances un peu particulières lors d’une journée de formation au Jardin d’idées. Le travail sur les arbres (psychogénéalogiques) se faisait par groupes de 4 ou 5 personnes sous la guidance des assistants de Dumas. Alors que mon groupe de travail était réuni dans la volière qui servait de hall d’entrée à l’habitation, le secrétaire du Jardin d’idées est venu nous prévenir que nous allions probablement devoir ouvrir les lieux à Nathalie Chassériau qui venait rentre visite à Didier Dumas pour l’interviewer. Lors de son arrivée, Nathalie Chassériau nous a demandé l’autorisation de se joindre à notre groupe, le temps que Didier Dumas soit disponible pour leur rencontre. A mes yeux, Nathalie Chassériau était une spécialiste reconnue et son arrivée, précisément au moment où c’était à mon tour de travailler sur mon arbre, m’a profondément impressionné. Pourtant, très vite, je suis parvenu à oublier sa présence et à me centrer émotionnellement pour entrer dans mon récit où je brossais le tableau d’une part de mes origines familiales. Cette évocation de mes racines ouvrières et du monde de la mine dans le Borinage a beaucoup intéressé Nathalie Chassériau.

Cette rencontre a eu des conséquences importantes et très positives car, quelques années plus tard, lors de la création de Généasens, quand j’ai sollicité des auteurs connus dans le champ transgénérationnel pour qu’ils acceptent de contribuer au projet, Nathalie Chassériau, qui se souvenait parfaitement de cet épisode chez Dumas, a écrit le premier article théorique pour le site. Cela équivalait à une validation de mon projet auprès des autres auteurs qui ont aussi accepté par la suite d’ alimenter le contenu de Généasens.

Comment Généasens a-t-il contribué à la visibilité internationale de votre travail ?

Au fil du temps, avec les apports des différents auteurs et la parution régulière de newsletters, la notoriété de Généasens et sa communauté a augmenté régulièrement dans les pays francophones mais aussi curieusement au Brésil.

Grâce à cette visibilité, j’ai été invité par les directrices de l’Institut Généapsy à présider le jury du passage des mémoires. Cette expérience a été déterminante dans ma réflexion concernant l’utilisation des lignes du temps biographiques car le protocole de l’Institut Généapsy impose que la formation des étudiants se clôture par la rédaction d’un mémoire qui rende compte des acquis et du processus personnel de l’étudiant en ce qui concerne sa propre analyse transgénérationnelle. Lors de cette expérience, qui s’est renouvelée ensuite à deux reprises, toujours dans le cadre de ce même jury, j’ai été frappé par l’impact positif de ce travail d’écriture sur le processus d’analyse transgénérationnel des élèves.

C’est aussi ce constat qui est venu renforcer et valider mon idée de compléter, voire de clôturer une analyse transgénérationnelle par un travail de récit transgénérationnel concernant le sujet et ses aïeux. Quelques temps plus tard, j’ai proposé à l’équipe de Généapsy de participer, avec d’autres praticiens et acteurs venant de différents champs, à un séminaire de validation de Commemoria à Mons.

Un autre apport international de Généasens est la collaboration que j’ai pu construire avec Monica Justino au Brésil. En 2019 j’ai eu le plaisir de coanimer au Brésil une Master class de 3 jours pour 50 étudiants en psychogénéalogie. Actuellement, chaque élève qui suit l’enseignement de l’école de Monica Justino au Brésil est abonné à Commemoria pour pouvoir réaliser des lignes du temps biographiques. Il en va de même pour l’Institut Généapsy.

Commemoria est aussi utilisé pour accompagner la maladie d’Alzheimer au stade débutant, quel lien établissez-vous entre cette maladie, Commemoria et le transgénérationnel ?

En ce qui concerne une éventuelle influence transgénérationnelle sur l’éthiologie de la Maladie d’Alzheimer, je serai évidemment très prudent mais certains analystes transgénérationnels émettent l’hypothèse que le fantôme psychique pourrait être à l’origine de la rupture de certaines chaines associatives comme le soulignent Nicolas Abraham et Maria Tôrôk dans leur livre L’écorce et le noyau: « Le fantôme poursuit en silence son œuvre de déliaison (…) Il est supporté par des mots occultés, autant de gnomes invisibles qui s'appliquent à rompre, depuis l'inconscient, la cohérence des enchaînements ».

Mais ce qui est certain, c’est que l’utilisation du récit de vie est très utile dans le cadre de la maladie d’Alzheimer au stade débutant pour revisiter la vie du patient dans la mesure où la mémoire biographique est celle qui reste le plus longtemps active pendant toute la durée cette maladie. L’application Commemoria est utilisée dans le service de neurologie du Docteur Elosegi au CHU Ambroise Paré de Mons mais cette expérience a été malheureusement momentanément suspendue en raison de la pandémie du Coronavirus. Un mémoire de fin d’études d’une étudiante en orthophonie de l’Institut Marie Haps de Bruxelles a aussi été consacré à ce sujet. Pour terminer, je veux insister sur le fait que Commemoria est un outil écosystémique qui bénéficie à la fois aux personnes âgées mais aussi à leurs soignants et à leurs familles et qui de plus paradoxalement réduit la fracture numérique entre les anciens et leurs descendants. C’est le constat qui a été confirmé dans le mémoire d’une étudiante en ergothérapie à l’Institut Condorcet de Tournai qui a testé Commemoria avec des personnes âgées en institution. Ce travail a mis aussi en évidence les avantages de l’utilisation de la biographie multimédia dans le champ de la gériatrie et des maisons de retraite chez des personnes qui ne sont pas pour autant atteintes de la Maladie d’Alzheimer.

Comment entrevoyez-vous le futur ?

Plusieurs projets et nouveaux développements de l’application sont en cours. Comme vous l’avez compris au fil de l’application, Commemoria est multifonctionnelle et permet un ensemble d’accompagnements dans différents registres qui sont néanmoins tous en liens, d’une façon ou d’une autre, avec les enjeux de la transmission psychique consciente ou inconsciente de la mémoire entre les générations. Prochainement, un annuaire des praticiens qui utiliseront Commemoria pour ces divers types d’accompagnements sera mis en ligne sur le site et concernera :

  • Les professionnels et bénévoles de la prise en charge de la maladie d’Alzheimer,
  • les professionnels et bénévoles de la prise en charge de la personne âgée en gériatrie et en maison de retraite,
  • les professionnels et bénévoles de l’accompagnement de la fin de vie et du deuil,
  • les psychologues, psychothérapeutes, les praticiens de l’analyse transgénérationnelle et de la psychogénéalogie,
  • les historiens et les pédagogues soucieux de la transmission de l’histoire et du devoir de mémoire,

Un autre projet qui me tient à cœur est la mise en place d’un réseau de « Cafés Commemoria. Cette idée m’a été soufflée par Laurence Constant Mouchet qui est analyste transgénérationnelle psychogénéalogiste en Champagne Ardennes. Reprenant l'idée des "Cafés Philo", un "Café Commemoria" est un groupe d’une dizaine de personnes réunies dans un endroit chaleureux et convivial pour construire leur ligne du temps. Le "Café Commemoria" sera animé par une personne formée et référencée via Commemoria. Chaque café se déroulera autour d’un thème (famille, couples, études, migrations, traditions familiales, événements historiques, ...) et chaque participant alimentera sa ligne du temps avec ses souvenirs. Les échanges verbaux – et le visionnage des lignes du temps – seront les bienvenus. Cette procédure permettra de donner un sens à son existence hors contexte thérapeutique « formel » ou à l’aube de sa fin de vie, en table ronde, avec d’autres personnes qui, elles aussi s’intéressent à leurs souvenirs, souhaitent les inscrire, en garder une trace et peut-être les faire partager, ensuite, à leur famille ou leurs amis. En groupe, on chemine autrement. Le souvenir de l’un ravive celui d’un autre oublié depuis longtemps.

L'auteur

Fabienne Kostrezwa

Fabienne Kostrezwa

Professeur de lettres, formatrice de futurs enseignants, créatrice et animatrice d’ateliers d’écriture, engagée dans un travail de psychanalyse transgénérationnelle depuis plusieurs années